Le 22 novembre 2011, Procyon Studio fêtait les dix ans de sa création. À cette occasion, le magazine Famitsu lui a consacré un article de trois pages dans lequel on découvre quelques informations inédites.
Avant toute chose, c’est la création du studio qui est abordée. Mitsuda indique qu’au moment où il a quitté Square, il a reçu de la part de Monolith Software la commande de la musique, mais aussi des effets et de la programmation sonores du jeu Xenosaga Episode I. « J’ai réuni des personnes que je connaissais depuis longtemps et c’est là que je me suis rendu compte de l’intérêt de travailler avec ceux qui s’occupent des autres aspects sonores. De cette façon, on peut avoir des discussions détaillées et améliorer la qualité de l’œuvre plus que tout ». Fort de cette expérience, le compositeur décide alors créer une société avec ces membres.
À la question « quels sont les avantages de cette création d’entreprise ? », Mitsuda répond que le plus grand est le travail en équipe : « À tout moment, vous avez la personne en charge des effets sonores à côté de vous. Vous pouvez aussi demander sans délai des précisions au programmeur quand vous avez un doute sur la façon dont fonctionne la console pour laquelle vous composez ». Le fait que Procyon Studio soit une petite entreprise permet aussi d’avancer de façon plus fluide, grâce à des décisions prises plus rapidement que dans les sociétés de grande envergure dans lesquelles on doit consulter plusieurs personnes avant d’entreprendre quelque chose.
Tout n’a pas pour autant été rose : deux ans après la création de la société, le studio a été confronté à une période creuse. À cette époque, chacun était au même niveau et s’occupait de ses propres affaires. Sans surprise, la plupart des missions allait à Mitsuda et l’équilibre des charges de travail n’était pas garanti. L’intérêt de travailler a plusieurs est devenu de moins en mois évident, l’ambiance s’est dégradée et il a même été question de dissoudre la société. Un par un, les membres du studio ont démissionné, ne laissant à bord que les trois membres fondateurs. Ces derniers ont alors eu de nombreuses discussions qui ont abouti à l’initiative d’un dernier effort commun, cette fois-ci sans égalité mais avec un directeur, Mitsuda, et un nouvel employé de bureau qui soit de bonne humeur en toute circonstance. Après l’embauche de cette personne, l’ambiance a brusquement changé et la société s’est reformée petit à petit autour d’elle, appelant le recrutement de nouveaux talents. « J’ai été surpris qu’une seule personne fasse à ce point changer l’entreprise », conclut Mitsuda.
En dix ans, la musique de jeu a changé
La question suivante porte sur l’évolution de la musique de jeu pendant les dix ans de Procyon Studio. D’après le compositeur, c’est avant tout sa situation aux yeux de l’industrie de la musique. « Avant, lors des enregistrements, on était pris pour des idiots et de nombreuses querelles nous opposaient aux musiciens. Ces derniers temps, il se trouve que de nombreux musiciens sont eux-mêmes des joueurs et il arrive de plus en plus souvent qu’ils me disent qu’ils sont heureux de pouvoir travailler avec moi ». De façon générale, Yasunori Mitsuda trouve que non seulement les musiciens, mais aussi les autres, reconnaissent désormais que la musique de jeu est d’un niveau élevé.
Le journaliste cite alors le nom de Shôta Shimizu, jeune chanteur de R&B à succès qui a récemment samplé « Wind Scene » de Chrono Trigger. Mitsuda se dit honoré que sa musique ait été utilisée par ce « musicien de premier ordre », grand fan de Chrono Trigger. Il est heureux de constater aujourd’hui le fruit du travail des compositeurs de musique de jeu. Rebondissant sur une remarque au sujet des initiatives lancées par Geondan (association japonaise des compositeurs de musique de jeu) ainsi que par le label et studio Noisycroak, Mitsuda indique qu’à l’époque où il était employé chez Square, les contacts entre compositeurs étaient rares, notamment parce qu’internet n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui. Désormais, des échanges d’informations et une émulation entre les compositeurs hissent l’industrie de la musique de jeu vers le haut.
Les forces de Procyon Studio
Au début de l’année 2011, Procyon a en effet quitté ses locaux étroits du quartier résidentiel de Nishi-Ogikubo pour un lieu de travail mieux étudié et plus proche du centre de Tokyo. L’enregistrement d’instruments seuls, de voix ou de petites formations (jusqu’au quatuor) est désormais possible sur place, dans une cabine qui donne sur le studio principal, où est réalisé le mixage.
Parmi les autres points forts de Procyon Studio, il y a ses membres : « une composition qui permet de s’occuper de presque n’importe quel projet ». Actuellement, quatre compositeurs, trois spécialistes des effets sonores et un programmeur sonore sont employés dans la société. La présence de ce dernier, Hidenori Suzuki, est déterminante. Grâce à lui, les compositeurs connaissent les limites sonores d’une console et peuvent profiter d’outils dont les autres sociétés ne disposent pas.
En plus d’être compositeur, Mitsuda doit souvent superviser l’ensemble de la production de son studio. Quand on lui demande s’il préfère produire ou composer, il répond qu’il aime bien les deux mais que la composition a franchement sa préférence. Il va même jusqu’à dire qu’il aimerait céder sa fonction de patron à quelqu’un pour composer comme un employé normal.
Interrogé sur l’objectif de Procyon Studio, le compositeur dit qu’il aimerait pouvoir proposer de la musique d’encore meilleure qualité, dans des genres variés et pas seulement à destination du Japon. Il aimerait aussi, dans la lignée d’Inazuma Eleven, continuer à créer de la musique de grande qualité pour les enfants : « Il ne faut pas faire de concessions parce que c’est pour les enfants. Au contraire, j’ai envie de leur faire entendre le beau son d’un véritable orchestre ». Pour ce qui est de ses objectifs personnels, il répète en riant « son intention secrète » de passer sa fonction de patron à quelqu’un d’autre pour se concentrer sur la composition et évoque le fait de collaborer avec des créateurs étrangers, pas seulement dans le domaine du jeu vidéo mais aussi dans celui de la télévision.
Enfin, l’interview se termine par une question sur des projets actuels. On découvre qu’il est au travail sur trois titres : le premier a déjà été annoncé sans que l’on sache qu’il y est lié, le deuxième est en collaboration avec un grand créateur et le troisième restera secret pour l’instant. Faites vos jeux !
Un compositeur autant qu’un ingénieur du son
L’interview est terminée, et pourtant, ce n’est pas la fin de cet entretien avec Mitsuda ! Famitsû a aussi publié sur son site quelques questions un peu plus pointues qui n’auraient pas eu leur place dans le magazine. Elles portent surtout sur le soin qu’apporte le compositeur au choix des appareils qui composent son studio. On apprend ainsi qu’il est attentif à la qualité des machines mais aussi à celle des câbles et de l’alimentation, pour un résultat sonore le plus propre qui soit, qu’il change régulièrement la position de ses enceintes pour trouver la meilleure configuration ou qu’il cherche continuellement à avoir le meilleur rapport signal sur bruit possible. Il arrive que son équipe ne comprenne pas cette obsession du son et qu’elle lui reproche d’utiliser trop d’argent dans les machines, il confie en riant qu’il leur répond « déduisez-ça de mes cachets ! ».
Yasunori Mitsuda aime à répéter que les auditeurs, y compris les enfants, se rendent compte de la minutie avec laquelle les compositeurs cisèlent leurs musiques. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles il est l’un des compositeurs de musique de jeu les plus appréciés et les plus occupés du monde.
Pour en savoir plus sur l’actualité du compositeur, vous pouvez consulter son blog traduit en français à cette adresse.
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Merci pour cet interview.
Mitsuda a vraiment l’air d’être quelqu’un de géniale, autant musicalement qu’humainement !