Avant-propos
Parti d’une question en apparence simple (« pourquoi, parfois, la musique change ? »), mais qui cachait en fait bien son jeu, cet article s’est rapidement retrouvé affublé d’annexes tentaculaires et sans rapport les unes avec les autres. Aussi a-t-il semblé judicieux d’isoler les différentes parties désormais devenues trop longues pour en faire des sujets à part entière. En outre, certains cas nécessitant une enquête plus délicate et approfondie, donc plus de temps de préparation, la suite de cet article ne sera pas publiée tout de suite.
Peu abordée, la question de la localisation géographique des jeux s’avère être, aujourd’hui encore, un sujet difficile à étudier. En effet, nous sommes en toute logique habitués à une vision de certains produits culturels qui semble inaltérable, et l’idée même de se les procurer sur d’autres continents (ou sur d’autres supports, dans une moindre mesure) pour les comparer semble souvent aussi saugrenue que compliquée à réaliser. Hors, si de nos jours le respect de l’oeuvre originale devient de plus en plus important à mesure que les développeurs, comédiens de doublage, musiciens etc. parlent de leur travail et de leurs intentions, pendant longtemps le choix nous était rarement laissé par rapport aux versions qu’on nous servait, lesquelles réservaient parfois quelques surprises. La traduction est évidemment en première ligne des éléments trop librement adaptés, et à l’origine de certains couacs aujourd’hui légendaires. Mais, étrangement, la musique est elle aussi loin d’être en reste. Et si nous choisissons aujourd’hui de vous en esquisser un portrait, hélas encore incomplet et peuplé de zones d’ombres, c’est parce que la longue histoire des altérations musicales dans la localisation des jeux est bien plus importante que ce qu’on peut imaginer, tout en étant représentative de plusieurs questions et évolutions fondamentales qui ont changé ce média et sa perception entre les années 80 et aujourd’hui.
Mais tout d’abord, que pouvons-nous qualifier d’altération dans la musique (en dehors des dièses, bémols, bécarres ou possibilités interactives) ? Le moindre petit changement de tonalité ou de vitesse dans la lecture d’un fichier midi, dû par exemple à une carte son différente entre deux ordinateurs ou à des puces variables entre certains modèles de GameBoy, peut être considéré comme tel. Mais nous avons choisi de nous focaliser sur les cas de disparitions et de métamorphoses, partielles ou intégrales, de bandes originales. Nous parlerons donc de jeux dont la musique est différente d’une version à une autre, qu’elle ait été retirée, changée par le compositeur, voire totalement réécrite par quelqu’un d’autre.
Afin d’y voir plus clair, nous avons classé les cas que nous avons pu identifier précisément en plusieurs catégories répondant à une seule question : “Pourquoi ?”. En effet, si les barrières de la langue et des codes graphiques caractéristiques d’une région du monde (des expressions populaires aux symboles culinaires) sont souvent difficiles à franchir sans être transformées pour devenir compréhensibles dans un autre pays, il est plus difficile d’imaginer ce qui peut amener des développeurs, compositeurs et responsables marketing à vouloir modifier de la musique. Suivant les récurrences, nous avons retenu quelques grandes causes : les questions techniques, les problèmes culturels, puis légaux, et pour finir, le cas plus particulier des partis-pris esthétiques, qui ne concernent que quelques remakes et versions alternatives. Ce premier article nous éclairera donc plutôt sur les déboires concrets ainsi que sur le statut du compositeur des années 80, encore peu différencié de celui de technicien, au point que les notes semblent parfois aussi malléables et interchangeables que des morceaux de code. Le prochain papier portera principalement sur des œuvres sorties entre la seconde moitié des années 90 et aujourd’hui, et abordera plutôt la question de l’évolution des rapports orient/occident, ainsi que celle des froides et laborieuses histoires de droits d’auteur et de licences d’exploitation périmées tournant parfois à la préoccupation économique. Nous terminerons enfin avec quelques cas, parfois très flous, de remakes et autres jeux qui sortent de l’ordinaire et se classent donc difficilement dans les catégories précédentes, quand ils ne les mélangent pas.
Des 80’s aux 90’s : quand musique rime (un peu trop) avec technique
Parfois, la localisation n’est pas tant une question géographique que technique. Ainsi, les années 1980 ont été les témoins d’un étrange phénomène où les musiques de certains jeux occidentaux n’avaient plus rien à voir avec leur version originale lors de leur arrivée au Japon, enfin à première vue. Mais en y regardant de plus près, ce n’était pas tant le lieu qui comptait alors que le support de lecture des cartouches et disquettes, et donc les personnes capables de programmer sur ces machines. On constate ainsi, par exemple, un clivage entre les compositeurs pour Arcade et NES ou MSX d’un côté, et ceux pour Amiga, Apple II, Commodore 64 et autres Home Computer de l’autre.
Pour mieux comprendre notre propos, commençons par examiner le cas d’une série de RPG plutôt connue : Ultima. Si les deux premiers opus contenaient des bruitages mais pas de musique, cette dernière fait son apparition dans le troisième épisode (exception faite de la version IBM). Tout d’abord sorti sur Apple II (pour les modèles équipés d’une carte son Mockingboard), Atari 800 et Commodore 64 en 1983, Ultima III : Exodus doit alors ses quelques musiques à l’américain Ken Arnold. Aucun changement autre que celui des timbres n’est à signaler en 1986 au moment où le jeu est porté sur Amiga et Atari ST. Mais les choses deviennent troublantes en 1987 et 1988 lors des sorties du jeu sur NES, puis MSX2. En effet, les mélodies deviennent alors méconnaissables (au revoir, reprise de « Rule, Britannia! » de Thomas Arne !), et pour cause, puisque le compositeur crédité est désormais le japonais Tsugutoshi Gotô. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Et les choses ne s’arrêtent pas là. Le même phénomène se produit pour la suite, Ultima IV : Quest of the Avatar, développée par la même équipe, initialement sortie en 1985 sur Apple II et Commodore 64, puis portée sur NES en 1989 avec une bande-son attribuée pour cette fois à Seiji Toda.
Les Japonais seraient-ils allergiques à la musique anglophone ? C’est peu probable, et si l’on creuse un peu, on réalise que le phénomène inverse est lui aussi monnaie courante à cette époque. En effet, le célèbre jeu d’arcade Ghosts ‘N Goblins, initialement mis en musique par Ayako Mori dans ses versions pour borne et NES de 1985 et 1986, est accompagné par des compositions de Mark Cooksey sur Commodore 64 (il faut préciser cependant que cette version ne comporte qu’un seul morceau, inspiré du Prélude n°20 de Chopin). De la même manière, les musiques de Tamayo Kawamoto fournies pour Ghouls ‘N Ghosts, initialement sorti en 1988 sur borne d’arcade, sont refaites par Tim Follin dans les versions Amiga et Commodore 64 de 1989 et 1990.
Pour parfaire ce beau tableau d’incertitudes, on trouve également un certain nombre de portages de jeux qui, tout en reprenant les compositions initiales, contiennent aussi quelques nouveautés musicales dans leur deuxième mouture. C’est entre autres le cas de Times of Lore (Commodore 64, 1988, Atari ST et DOS, 1989) dont la version NES de 1990 reprend le travail de Martin Galway, arrangé mais aussi complété par des compositions de Katsuhiro Hayashi. Le même cas de figure est reproduit dans la version Commodore 64 d’Arkanoid (1987), où c’est cette fois Martin Galway qui a ajouté un morceau de son cru à ses arrangements des pistes originales de Hisayoshi Ogura (Arcade et NES, 1986). Parfois, les ajouts viennent d’ailleurs directement du premier compositeur : Hal Canon est ainsi à l’origine de toutes les nouvelles pistes du portage de Gauntlet (Arcade, 1985) sur NES en 1987. Le plus souvent, ces compléments sont directement liés aux différences techniques entre les consoles : les versions Arcades et Commodore 64 ne permettaient généralement pas de jouer de la musique durant les séquences de gameplay, mais cela était tout à fait possible sur NES, occasionnant des ajouts plus ou moins imposants à des moments stratégiques.
À noter que d’un point de vue textuel, il n’est pas rare non plus de voir les crédits (quand il y en a) s’emmêler les pinceaux et attribuer la musique à différents compositeurs suivant les versions, même lorsqu’il s’agit de simples arrangements et que les morceaux restent, au fond, identiques. De cette façon, le générique de Life Force (ou Salamander -ou Life Force Salamander selon les localisations-) varie en fonction des portages du jeu et des pays dans lesquels il est sorti, et s’avère d’ailleurs faux dans la version japonaise. Les personnes créditées à la composition (Shinya Sakamoto, Satoe Terashima, Hidenori Maezawa et Atsushi Fujio) semblent être en réalité le programmeur audio et les arrangeurs, tandis que le nom de la vraie compositrice principale, Miki Higashino (qu’on a retrouvée par la suite sur les deux premiers Suikoden) est passé sous silence avec ceux de deux autres probables participants : Suzuki Kyouta et Akira Yamaoka.
Grâce à ces cas de figure particulièrement variables, il est tout de même possible de déduire un certain nombre de contraintes techniques et parfois humaines, confirmées par quelques programmeurs et compositeurs. En effet, comme l’explique David Warhol dans son intéressant témoignage pour le documentaire Beep, les équipes de développeurs suivaient rarement leurs projets après le lancement de la première version :
“La plupart de mes travaux étaient écrits pour une plate-forme logicielle ou matérielle bien spécifique. Quiconque créait le jeu désignait toujours une plate-forme maîtresse, qui était ensuite portée vers les suivantes. Je ne participais pas vraiment à cela, étrangement. Une fois que les pilotes audio étaient créés, la musique l’était aussi, et quelqu’un d’autre finissait par porter l’ensemble sur un autre support.” (Source : The Beep Book, p.270, anglais)
Il faut en effet garder en tête à quel point tous les paramètres artistiques des jeux de cette époque dépendaient de la technique. Un compositeur s’occupait rarement d’adapter ses morceaux pour une autre console que celle pour laquelle il avait écrit. Tout d’abord parce qu’il n’avait pas toujours les connaissances techniques nécessaires à l’intégration de ses musiques dans le code du jeu (certains devaient d’ailleurs passer par un programmeur et avancer à tâtons avec des transcriptions approximatives du langage musical), mais aussi parfois parce qu’il n’avait pas le temps. En effet, les dates de sorties étant parfois décalées de plusieurs années, il n’était pas rare que les compositeurs soient trop occupés sur d’autres projets (à tout hasard : une suite) pour se charger eux-même de l’adaptation. Les temps de développement alloués pour ces portages étant, de plus, souvent très courts, on avait rarement la délicatesse de demander aux créateurs originaux de revoir leur travail, surtout si ces derniers se trouvaient de l’autre côté de l’océan. L’éditeur ou développeur des nouvelles versions désignait alors quelqu’un de compétent en interne pour reprendre le flambeau, et chacun y allait de son adaptation suivant les diverses contraintes.
C’est ainsi que Seiji Toda fût nommé en 1991 par Pony Canyon pour adapter la version NES de Pool of Radiance. Plus qu’une adaptation, il s’agissait pour le coup d’une véritable (ré)écriture, puisque la version Commodore 64 de 1989 ne contenait qu’une seule piste d’introduction par David Warhol. Le portage NES du jeu a, lui, presque trente pistes remplissant l’aventure d’une nouvelle dimension sonore interactive. À l’inverse, si l’on en revient à notre premier exemple, Ultima, on constate que les choses ont évolué de façon plus disparate, suivant des contraintes parfois plus temporelles que techniques. C’est ainsi que la bande-son d’Ultima V : Warriors of Destiny, attribuée à Ken Arnold sur les premières versions de 1988 du jeu (et qui contient déjà le fameux thème « Stones » de “Lolo” David R. Watson) est plus imposante que la mouture NES de 1993 développée par Origins System (dont ce fut le seul jeu sur la console), et dans laquelle Martin Galway n’a de toute évidence eu le temps de transcrire et de programmer que trois morceaux sur la quinzaine préexistant. De la même façon, la version Commodore 64 de Ultima VI : The False Prophet (1991), vraisemblablement bâclée, avec ses graphismes revus à la baisse et son total de deux pistes, est largement inférieure aux moutures DOS (1990) et NES (1992), qui contiennent plus d’une dizaine de musiques d’accompagnement. En outre, les imprécisions sur le compositeur initial aidant, on constate que la version NES ne crédite que l’arrangeur japonais, Kazuo Sawa, sous le vague terme de “SOUND”. On reconnaît pourtant bien les mélodies de Ken Arnold empruntées aux anciens opus parmi quelques compositions probables de Todd Porter.
Enfin, si aujourd’hui encore l’intégration et le portage des musiques ne sont pas toujours (voire rarement) pris en charge par les compositeurs eux-mêmes, les différences étaient bien plus flagrantes à l’époque. En effet, deux machines pouvaient offrir des performances techniques radicalement différentes : certaines avaient la capacité de gérer animations, bruitages et musiques simultanément, tandis que d’autres n’avaient même pas de carte-son intégrée. C’est ainsi que beaucoup portages demandaient de revoir le nombre de canaux sonores à la baisse, ou qu’au contraire, la musique originale semblait trop faible par rapport aux capacités de la console pour être transposée telle quelle. Les puces ayant par ailleurs des rendus très variables, il n’était pas rare de refaire entièrement certaines bandes originales de façon à mieux coller aux timbres disponibles sur une console donnée. Esthétique et technique étaient donc en fin de compte parfois amenées à se croiser, et c’est ce que Alberto “McAlby” Gonzáles nous a confirmé en nous livrant plus de détails sur la mentalité de l’époque :
“Je connais beaucoup de cas où la musique de la version originale d’un jeu a changé avec ses portages, c’était monnaie courante chez Bit Managers. En ce qui me concerne, je décidais généralement de réécrire une bande-son pour l’une des raisons suivantes :
– Je n’aimais pas la musique originale (dans nos portages de SNES vers la GB/NES/Sega),
– Je ne connaissais pas la musique originale et ne pouvais pas l’écouter,
– Je n’arrivais pas à recréer de façon satisfaisante la musique originale sur le nouveau support (le portage de mes compositions et certaines bandes-sons comme celles des Turok),
– Une meilleure musique me venait à l’esprit pendant le portage (pour mes propres morceaux).
[…] Les Astérix sur NES et GB ont des musiques très différentes, parce que j’ai voulu utiliser les sons si particuliers de la NES à leur avantage. Il ne s’agissait pas que de composer de la musique, mais aussi de la faire sonner de la meilleure façon possible avec chaque puce. Dans quelques cas, comme Tintin au Tibet, j’utilisais une mélodie tirée de la première version, mais j’y ajoutais des pans entiers de mon cru. Lorsque j’ai écrit la bande-son de Bomb Jack pour GameBoy, nous avions le jeu d’arcade original, mais pas de borne pour le lire, donc je ne pouvais pas écouter la vraie musique. Il a fallu que je crée tout par moi-même, ce qui est finalement une bonne chose puisque j’ai pu écrire des mélodies bien plus élaborées. “ (source : interview par mail,anglais)
Au-delà des problèmes d’organisation empêchant de créer des portages fidèles, les défis impliqués par l’aspect technologique rendaient parfois tout bonnement impossible la simple transposition d’un jeu d’une console à une autre. De fait, certains jeux voyaient leur direction artistique, mais aussi leur gameplay, drastiquement impactés. Difficile d’imaginer une version fidèle des Turok lors du portage de la Nintendo 64 vers la GameBoy, aussi s’agit-il en réalité de jeux totalement différents. Rien que sur le plan musical, la GameBoy ne permettait pas de recréer les ambiances, essentiellement percussives, de l’original. Aussi Alberto McAlby a-t-il dû recréer la tension et le dynamisme transmis par la musique avec les moyens mis à sa disposition.
Comme nous pouvons le constater, la vision de la musique jusqu’au début des années 1990 se révèle être celle d’une partie très malléable dans les jeux vidéo, bien loin de l’image d’une oeuvre d’art totale aux paramètres figés et indivisibles. Techniquement dépendante des capacités des consoles, au même titre que les graphismes et les possibilités de gameplay, la musique ne semblait alors pas considérée comme un élément dont l’intégrité devait absolument être respectée pour effectuer un portage fidèle. Cette dernière ne représentant de plus pas le moindre enjeu financier à cette époque, il n’était pas rare que les compositeurs soient totalement livrés à eux-mêmes et qu’on se préoccupe peu de ce qu’ils faisaient du travail des autres (l’inverse étant tout aussi vrai). Les portages s’effectuaient donc dans des conditions très variables, et lorsqu’il y avait des changements, ceux-ci n’étaient pas toujours synonymes d’améliorations sur le plan musical, quand bien même les nouveaux supports s’avéraient techniquement supérieurs.
Si l’on trouve encore aujourd’hui, après l’arrivée révolutionnaire du support CD permettant de stocker directement la musique plutôt que son code, quelques cas rares de modifications de la musique pour des raisons techniques, celles-ci ne se font plus dans le même état d’esprit. Ainsi, lorsque de Final Fantasy Type-0 a été remasterisé pour une version HD de la PSP vers la PS4, la plupart des musiques originales ont été réarrangées ou remixées afin de mieux coller à la transition d’une console portable vers une console de salon. Quant à la musique qui a été rajoutée pour l’occasion, c’était pour faire plaisir aux fans et proposer une amélioration significative du contenu. Une vision des choses à des années-lumière de la plupart des cas que nous avons vus plus haut, et plus représentative de ce qui allait suivre dans l’histoire des jeux vidéo, laquelle devait rentrer progressivement dans l’ère de la reconnaissance des auteurs et de leur apport à l’identité profonde d’un média… enfin pas tout à fait. La mutation de la considération portée à l’univers et aux métiers vidéoludiques est en effet à l’origine de nouveaux questionnements et problèmes très différents, mais pouvant encore mener au remplacement ou à la disparition de la musique. Car l’importance grandissante du média dans la sphère culturelle et commerciale est aussi synonyme d’intérêts de la part de partis très différents apportant leur lot de nouvelles exigences et de contradictions. Nous parlons là, entre autres, de la censure et du domaine légal, dont les grandes histoires méritent d’être contées, dans le prochain épisode.
Pour aller plus loin : Un phénomène nouveau ? Arrête ton cinéma !
Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous tenons à signaler que cette pratique n’est pas propre aux jeux vidéo, elle est même très présente dans le milieu du septième art, pour des raisons parfois similaires. Si l’époque du cinéma non-parlant, mais néanmoins accompagné de façon inégale selon les moyens et les salles par les paroles des bonisseurs ou les douces mélopées des machines à bruits, orchestres et autres pianos locaux, est aussi fascinante qu’inexacte, on trouve aussi des histoires surprenantes à partir des années quarante. Par exemple, la version française du film Casablanca, sortie juste après la Seconde Guerre mondiale, apporte un petit changement d’importance à la bande-son de Michael Curtiz. Une citation de la Marseillaise (en majeur puis en mineur) dans l’introduction originale du film, associée à l’image d’une France vichyste et collaboratrice, a été discrètement remplacée par une ambiance neutre à sa sortie dans l’Hexagone encore meurtri.
De façon moins politique mais plus radicale, les amateurs d’anime et plus particulièrement de Pokémon ou Yu-Gi-Oh! savent généralement que les génériques sont différents (et traduits) entre versions japonaises, américaines et européennes. Mais plus rarement se rendent-ils compte que les musiques d’ambiances ont parfois été partiellement modifiées lors de la localisation américaine (et par extension européenne) par 4Kids. De la même façon, la musique des deux premiers longs-métrages Pokémon (Pokémon le film : Mewtwo contre-attaque et Pokémon 2 : Le pouvoir est en toi) a été entièrement refaite, par des compositeurs américains, puis par Shinji Miyazaki en personne. Autre cas plus connu : celui du Château dans le ciel de Hayao Miyazaki, pour lequel il a été demandé à Joe Hisaishi de remanier la bande originale, qui laissait trop de place au silence, passant sa durée totale de 60mn à 90mn de musique dans la version américaine (car l’on pensait le public trop habitué aux flots musicaux hollywoodien ?). On a vu le même phénomène se répéter dans le milieu des films français lorsque les bandes originales du Grand Bleu (1988) et de La Marche de l’empereur (2005) ont été réécrites avec une esthétique très différente à l’occasion de leur sortie américaine. Les compositions pourtant récompensées d’Éric Sierra et d’Émilie Simon ont ainsi été remplacées par celles de Bill Conti et Alex Wurman. La liste est longue et, bien sûr, encore très incomplète…
Quelques sources et remerciements
http://www.vgmpf.com/Wiki/index.php,
http://www.animenewsnetwork.com/answerman/2014-11-14/.80961,
The Beep Book: Documenting the History of Game Sound, Karen Collins & Chris Greening
Un grand merci aux personnes suivantes, qui ont aidé à la collecte d’informations ou ont donné leur témoignage : Alberto J. Gonzáles, Christophe Heral, Ludovic Lacanal.