/!\ ALERTE AU PAVÉ /!\Batoul a écrit:C'est dommage [...] que tu sois passé à côté de Majora's Mask
Non mais t'inquiète pas : comme le dit Denys, tout le monde sait très bien que dès que MM sera réédité sur Wii U ou 3DS, en fait je craquerai, ne serait-ce que par curiosité ^^
(Par contre, sans rire, je ne pense vraiment pas me laisser tenter par le nouveau sur Wii U : tout le discours "youpi, Zelda open-world, on peut faire les donjons dans l'ordre qu'on veut"... Ils auraient voulu s'assurer que j'aie surtout pas envie de jouer à leur jeu qu'ils s'y seraient pas pris autrement !)
Denys a écrit:Personnellement, c'est justement le passage qui m'a semblé le plus chiant du jeu ! Quand je commence un Zelda, tout ce que je veux, c'est jouer, explorer, découvrir, avancer, et non qu'on me tienne la main pendant des heures.
Note que le fait que j'ai trouvé cette intro "très jolie" ne m'empêche de la trouver aussi, en fait, assez chiante ! Car trop longue, trop bavarde, trop à l'écart du reste du jeu. Mais en fait, c'est précisément ça que je trouve incompréhensible, incohérent, et au final prodigieusement frustrant avec ce Zelda (comme avec les deux autres) : si l'histoire et la narration sont sciemment sans grande importance dans ce jeu, pourquoi en mettre autant ? Je voudrais juste ne pas avoir constamment l'impression d'un compromis : soit il y a de la narration et elle sert vraiment à quelque chose, soit il n'y en a pas. Entre les deux, pour moi, ça n'a pas de sens. Là, ce que je ne comprends vraiment pas, c'est précisément ça : pourquoi cette longue intro de deux heures pour ne strictement rien en faire derrière ? Pourquoi exposer si longuement le perso de Zelda alors que la seule et unique scène majeure qu'elle a après, c'est ce fameux monologue bien naze des deux tiers ? Pourquoi nous tenir la jambe avec le célestrier vermeil de Link que "oh la la c'est ouf on n'en avait pas vu de cette espèce depuis des siècles" alors que derrière ça ne débouche sur absolument rien, ni en terme d'histoire, ni de gameplay, ni rien du tout ? Etc, etc. Au final, tout ça ne fait finalement que ralentir le jeu et diluer son impact. Parce que vraiment, s'ils voulaient ne pas mettre de narration du tout, à la limite, c'est pas un problème : même si tu sais bien que ma vraie passion, à moi, ce sont les jeux narratifs, ça ne m'empêche pas une fois de temps en temps d'adorer aussi des jeux comme Rayman Origins/Legends, alors que bon, niveau scénar, c'est pas méga gégé !
En fait, je pense qu'en jouant à Zelda il y a effectivement une chose que j'ai tendance à attendre activement... et c'est précisément cette "alchimie un peu muette" dont tu parles (et encore, je cherche même pas vraiment à ce qu'elle soit spécialement muette), mais que perso je ne trouve absolument pas. En y réfléchissant, je pense que ce jeu a de quoi être un cas d'école pour bien définir et différencier les trois termes intrigue, histoire, et narration. Dans Skyward Sword, l'intrigue est plutôt sympa : très simple, mais assez forte pour pouvoir faire de très belles choses avec. L'histoire est en revanche plus bancale : si l'ambiance est là, les personnages principaux en revanche sont plutôt ratés. Et la narration est misérable, car totalement déséquilibrée et insérée au chausse-pied dans le déroulement du jeu. Et c'est là que ça coince pour moi, car précisément, il me semble que dans un jeu d'aventure, le rapport de force entre ces trois éléments devrait être exactement l'inverse ! La narration est capitale, surtout dans un jeu long comme celui-là, car elle conditionne le rythme et le sentiment de progression, et donc au final "l'engagement" du joueur. L'histoire est aussi très importante, car elle est la source de l'empathie du joueur envers le monde et les persos du jeu (ce que je désigne quand je parle de "me sentir concerner par ce qui se passe à l'écran"). Quant à l'intrigue, ça ne fait jamais de mal quand elle est bonne, mais c'est plus dispensable... car précisément, elle peut être substituée par cette "alchimie", qui est en fait (corrige moi si je t'ai mal compris) liée à la notion de découverte permanente : pour scotcher le joueur à son écran, pas la peine de mettre en place un suspens, mieux vaut simplement titiller sa curiosité. Ainsi, ce qui donne envie au joueur de continuer sa partie, ce n'est pas "je veux savoir quel événement va se produire après", c'est "je veux découvrir de nouveaux lieux, de nouveaux personnages, de nouveaux objets, pour mieux comprendre les rouages et les règles de ce monde".
Mais du coup, pour se produire, cette alchimie a BESOIN (chez moi en tout cas) d'une bonne narration et d'une bonne histoire. J'ai besoin à un moment que ce ne soit pas que moi qui me projette dans le jeu, mais aussi le jeu qui se projette en moi. C'est la seule solution pour que ma motivation, quand je joue au jeu, ce ne soit pas que celle du joueur qui a envie de finir son jeu, mais aussi (et surtout) par procuration celle de l'acteur de cet univers, qui veut retrouver son amie, qui découvre un nouveau monde dont il ne soupçonnait pas l'existence, ou quoi que ce soit. En gros : si tu veux vraiment m'immerger dans un univers, c'est pas de la liberté, qu'il faut me donner ; c'est une motivation.
Je pourrais de nouveau parler d'Ôkami, dans lequel en revanche j'ai vraiment trouvé cette alchimie MALGRÉ TOUS LES DÉFAUTS DU JEU (la beauferie d'Issun, les dialogues interminables, les blagues référentielles débiles...), et malgré le fait que l'intrigue générale est totalement foutraque. Mais il y a un autre jeu auquel j'ai beaucoup pensé en faisant Skyward Sword, aussi surprenant que ça puisse paraître : c'est... Portal 2. Et ce pour plusieurs raisons :
- il est évident que pour ce jeu, comme pour les Zelda, les concepts de gameplay ont été développés bien avant que ne soit amorcée la moindre esquisse de scénario ;
- de fait, la structure du jeu est extrêmement carrée : un niveau ("salle de test") après l'autre, des niveaux très courts de surcroît ; donc une structure encore plus basique et stéréotypée que Zelda avec ses quêtes, ses donjons, ses boss, tout ça ;
- l'héroïne est encore largement pire que Link s'agissant de son absence totale de personnalité ;
- malgré ça, la narration est très présente tout du long ;
- elle trouve le moyen d'être largement moins relou que dans Zelda : aucun long couloir narratif de plusieurs dizaines de minutes (voire heures) pendant lesquels on n'a pas une trace de gameplay ; même pas un seul vrai passage "à la Valve", type intro du premier Half-Life, où pendant un très long moment on contrôle le perso mais en fait on peut rien faire ;
- elle accompagne vraiment l'évolution du game design, ses ruptures, sa variété (déjouant par là même le piège de la monotonie, dans un jeu à qui pourtant ça pendait méchamment au nez) : [SPOILERS PORTAL 2]
il y a le début où on traverse des salles que la ruine a rendu très faciles et qui servent de "tuto" ; puis on réveille GLADoS et on traverse sous son contrôle des salles "normales" ; puis on s'échappe et on doit maintenant "hacker" les installations d'Aperture, rendant les démarches de résolution assez différentes et bien moins évidentes ; puis on se fait jeter dans les bas-fonds d'Aperture, on se retrouve dans des cavernes immenses où la clé de la progression ne sera plus vraiment le raisonnement mais plutôt l'observation ; puis on découvre les gels, qui permettent à l'architecture des salles de test de devenir de plus en plus folle, miroir de la folie grandissante de Cave Johnson que l'on découvre en même temps ; etc, etc. [/SPOILERS PORTAL 2] ;
- les personnages de Wheatley et GLADoS, aussi ironique, caricaturale et absurde que soit leur écriture, sont réussis, et leur opposition arrive à être non seulement drôle, mais aussi étrangement captivante.
Bref : en fait, Portal 2 réussit à peu près tout ce que je trouve que Zelda rate, malgré une ambiance et un concept qui se prêtent a priori beaucoup moins à l'immersion ! Alors bon, évidemment je ne demande pas à Zelda de piquer des trucs à Portal, ce serait très con, ne serait-ce qu'à cause du ton totalement différent des deux jeux. Mais j'aimerai bien qu'un jeu du genre puisse faire prendre conscience à Aonuma et sa clique que non, bon gameplay et narration forte, ça n'est pas antinomique. Au contraire, même.
tl;dr : Je trouve ça très dommage qu'une boîte comme Nintendo, pour qui le gameplay est la clé de tout, en soit encore en 2011 à faire des jeux dans lesquels la narration est totalement décorrélée du gameplay, alors que ça fait des années qu'on a des tétra-chiées de jeux (pas seulement Ôkami et Portal 2) qui nous montrent qu'il est possible (et souhaitable) de faire fonctionner les deux en synergies, comme un tout inséparable.