Masashi Hamauzu était en France les 22 et 23 mai pour trois concerts organisés par Wayô Records. Plusieurs travaux marquants de sa carrière étaient interprétés par de jeunes musiciens, mais ce n’est pas tout : l’artiste était accompagné de la chanteuse Mina, avec laquelle ils ont interprété quelques morceaux de leur projet Imeruat.
Concerts du 22 mai à la Cité des Arts
C’est après un peu d’attente qu’un Masashi Hamauzu chaleureux et une Mina ravissante ont accueilli le public pour une séance de dédicaces. Très bonne initiative pour ceux qui n’avaient rien à faire signer : un CD de sélection de musiques de Final Fantasy XIII était distribué gratuitement avec le programme du concert ! Et pour ceux qui souhaitaient acheter un petit souvenir, trois objets étaient proposés à la vente avant d’entrer dans la salle : un mukkuri, le single e=katuhu pirka du groupe Ainu Rebels, et surtout, un single exclusif Imeruat, disponible uniquement pour l’occasion et pas encore sorti au Japon. Inutile de préciser que ce dernier était donc hautement collector. Dans la salle, une petite surprise attendait le fan de VGM et de Final Fantasy : Hironobu Sakaguchi en tant que spectateur dans le public ! Une présence qui a contribué à renforcer le caractère magique et exceptionnel de la journée.* Une fois la centaine de personnes bien installée, Mina et Hamauzu viennent s’asseoir à leur tour. S’en suit une série de questions-réponses du public au compositeur et à la chanteuse, puis le concert commence. Le voyage musical débute à Spira, mais le Spira revisité par Hamauzu sur le Piano Collections de Final Fantasy X, avec les morceaux « Besaid » et « Assault » interprétés par Yuka Fujii. La jeune pianiste d’origine japonaise joue superbement ces pièces complexes, tirées d’un album – injustement – décrié par certains, dont les arrangements amples rendent parfois les morceaux méconnaissables par rapport aux versions originales de l’OST. La demoiselle reste sur scène pour interpréter deux morceaux du Piano Collections de Final Fantasy XIII, « Sulya Springs » et le thème de Lightning, la présence de ce dernier au concert étant quasiment obligatoire vu qu’il s’agit d’un des morceaux les plus emblématiques de Hamauzu. On peut regretter que Mina n’en ait pas profité pour chanter sur « Sulya Springs », mais elle utilisera sa voix enchanteresse par la suite…
Après ce crochet par Pulse et Cocoon, Yuka Fujii est rejointe au piano par Jean-Vianney Zenati et l’on quitte l’univers de Final Fantasy pour pénétrer dans celui de SaGa Frontier 2, le jeu ayant révelé tout le talent de Masashi Hamauzu. Pendant une dizaine de minutes, les qautre mains jouent avec légèreté les pistes « γ 1 », « γ 2 », « γ+ 1 », « γ+ 2 » et « γ+ 3 » de l’album Piano Pieces, pour le plus grand bonheur des nostalgiques ayant fait le jeu et de ceux appréciant ses musiques. Suite à ce rafraichissement, on sort du cadre de la musique de jeu vidéo pour profiter de quatre compositions totalement inédites de Masashi Hamauzu. Les trois premières « Etd 5 », « T_Comp 1 » et « Blank » sont des piano solos (encore une fois exécutés par Yuka Fujii), très agréables et dans la lignée de ce que l’on pouvait entendre sur Vielen Dank. « T_Comp 1 » dispose d’une mélodie particulièrement belle. Yuka Fujii cède ensuite sa place à Jean-Vianney Zenati, qui est rejoint par Johan Veron au violon et Seok-Woo Yoon au violoncelle : ensemble, ils interprètent la décapante et complexe « Frenzy under pressure », composée en quatrième vitesse spécialement pour l’évènement … d’où son nom ! Puis, retour à la musique de jeu vidéo, avec Jean-Vianney Zenati et Johan Veron qui restent sur scène pour former le Yume Duo, spécialisé dans l’interprétation de musiques de jeux vidéo japonais et de séries animées, selon leurs propres retranscriptions et arrangements. Et quels arrangements ! Leurs versions fraîches et dynamiques de « Besaid » de FFX et « The Promise » et « Vanille’s Theme » de FFXIII ont enchanté toute la salle, à commencer par Hamauzu lui-même qui avait l’air ravi.
C’est en territoire Aïnou, loin de tout aspect vidéoludique, que s’achève ce périple musical. Mina monte enfin sur scène ; mais avant de faire preuve de ses talents de chanteuse, elle veut faire découvrir au public un instrument traditionnel de sa culture, le fameux mukkuri que l’on pouvait acheter avant d’entrer dans la salle. C’est une guimbarde qui se présente comme un morceau de bambou au bout duquel est attachée une ficelle : tirer (de la bonne manière, ce qui n’est pas évident) sur la ficelle fait vibrer la membrane, et l’on place le mukkuri devant sa bouche pour que la cavité buccale fasse caisse de résonance. Mina se lance dans une démonstration, et si au début l’instrument ne donne l’impression que de faire des « doing ! » rigolos, l’exercice devient nettement plus impressionnant lorsqu’elle se met à augmenter la cadence. Hamauzu rejoint ensuite Mina sur scène pour présenter leur projet Imeruat. Ils en interprètent deux morceaux, Hamauzu prenant – enfin ! – place au piano, Mina jouant du tonkori (un instrument à cordes aïnou), accompagnés par le violon de Johan Veron et le violoncelle de Seok-Woo Yoon. Le premier morceau, « Cirotto », est une musique envoûtante qui transporte au cœur d’un village aïnou, très calme, apaisante et majoritairement instrumentale (Mina se met à chanter en upopo, style traditionnel aïnou). Le second, intitulé « Imeruat », est quant à lui plus dynamique et dans un style Hamauzu pur souche : le piano, les cordes, les sonorités électroniques et surtout le chant de Mina en font un petit bonheur qui aurait pu avoir sa place sur l’OST de Final Fantasy XIII ! Et surtout, quel plaisir de voir tout ça joué en direct, par Hamauzu, Mina et les autres musiciens, à la passion et l’énergie communicative. Pour finir, le compositeur réserve une dernière surprise au public français : comme rappel, il interprète lui-même « β 1 » du Piano Pieces de SaGa Frontier 2, qu’il a révisé spécialement pour l’occasion, l’homme étant compositeur avant d’être interprète. Un grand moment, touchant et magique.
Concert du 23 mai au bar Le Fleurus
Soucieux de promouvoir Imeruat via un canal différent, c’est dans un petit café à l’ambiance intimiste et loin du milieu du jeu vidéo, Le Fleurus, que les artistes ont choisi de donner un dernier concert le lundi soir. Petite parenthèse, c’est quelques heures avant cet événement que nous avons eu la chance de nous entretenir avec eux. Arriver un petit peu en avance sur place était une bien bonne idée, puisque cela permettait de siroter un verre tranquillement tout en regardant Hamauzu et Mina installer leur matériel sur scène. Une ambiance feutrée, une quarantaine de personnes tout au plus. Le cadre est posé : ce ne sera pas le concert d’un compositeur reconnu et apprécié, mais bien d’un duo qui cherche à se faire connaître. Exit les compositions de SaGa Frontier et Final Fantasy, c’est Imeruat qui est à l’honneur ce soir, pour un peu plus d’une heure. Si la chanson éponyme, « Imeruat », est bien évidemment interprétée, l’autre morceau de la veille, « Cirotto », n’a pas fait le déplacement. Mais les compensations sont en nombre, et heureuses. Pour ceux qui ne la connaissent pas, c’est en effet l’occasion de découvrir e=katuhu pirka (voir plus haut), chanson planante et enivrante tout à fait à propos dans un tel cadre. Trois exclusivités issues du futur album Imeruat viennent compléter le programme du soir : la sautillante « Battaki », pendant laquelle tout le monde frappe en rythme dans ses mains, et deux chansons au noms encore inconnus, l’une faisant immédiatement penser à « Imeruat » par ses sonorités électro, et l’autre étant une comptine japonaise rigolote revisitée par le duo.
C’est un petit peu comme dans un rêve : la voix envoûtant et sensuelle de Mina, combinée aux compositions électro-aériennes de Hamauzu, devient presque éthérée ; elle nous berce et nous hypnotise, comme dans nos songes les plus profonds. La différence avec un rêve, néanmoins, est que tout cela est bien réel. La chanteuse nous fait aussi une nouvelle démonstration de mukkuri, un brin redondante pour ceux qui étaient présents la veille, mais tellement atypique et amusante qu’on ne s’en lasse pas. D’ailleurs, le cours d’Histoire ne s’arrête pas là, puisque nous avons droit à des précisions intéressantes sur les origines du tonkori (voir l’interview). De temps à autre, quelques effets Larsen tentent de gâcher la soirée, mais rien n’y fait : l’ambiance est détendue, les gens rient, papotent, boivent un verre ou deux. Tout va bien.
Si le concert s’était arrêté là, le week-end aurait déjà été fantastique. Mais, non, ce n’était pas fini. Une petite séance improvisée d’apprentissage de mukkuri a permis à tout le monde de discuter joyeusement avec les artistes. Une proximité et une simplicité touchantes, et quasi irréelles. Difficile de deviner qui étaient les plus heureux : les spectateurs ou les artistes ? Peu importe en réalité, car l’osmose semblait parfaite… Si bien que Hamauzu s’est amusé sur son synthé devant une poignée d’admirateurs aux anges. Qu’a-t’il joué ? Pourquoi ? Comment ? Vous n’en saurez pas plus mes chers amis, car comme le veut l’adage, et surtout la promesse faite à Hamauzu : ce qui se passe au Fleurus, reste au Fleurus.
Les yeux tournés vers l’avenir
Avec des moyens limités et des délais très courts, Wayô a réussi la prouesse d’organiser un week-end qui marquera d’une pierre blanche l’Histoire de la musique de jeu en France. Une véritable célébration de la musique d’un compositeur de génie, qui, on l’espère, ouvrira la voie pour d’autres événements du même genre.
– Olivier & Clément
*Monsieur Sakaguchi n’était présent qu’au concert de 15h00. Le compte-rendu est d’ailleurs basé sur ce concert uniquement.