Début juillet, Musica Ludi a eu la possibilité de rencontrer le compositeur Yasunori Mitsuda à Cologne pour une interview portant sur le concert, mais aussi sur ses projets en cours.
Avant toute chose, pouvez-vous nous donner vos impressions au sujet du concert Symphonic Fantasies d’hier ?
C’est la troisième fois que je vois le concert, après Cologne en 2009 et Tokyo [en janvier 2012], mais à chaque fois je remarque de petites retouches dans l’arrangement et j’ai l’impression que la qualité augmente. C’est la même musique mais je me fais toujours un plaisir de l’écouter pour cette raison. D’ailleurs, j’ai encore senti une amélioration hier. C’était un superbe concert.
Que la partition soit parfois retouchée est rare et impressionnant. D’habitude, dans ce genre de cas, la musique n’est pas modifiée.
Dans cette suite de quinze minutes de Chrono, y a-t-il des passages que vous aimez particulièrement ?
J’aime vraiment toute cette suite où chaque passage possède une force narrative… C’est difficile de répondre. Je dirais que j’aime particulièrement l’endroit qui reprend « Decisive Battle with Magus », ainsi que le thème de Gren. Ce sont des passages que je trouve impressionnants, même après les avoir écoutés maintes fois.
Vous arrive-t-il d’être inspiré par des arrangements de vos musiques lors de concerts comme Symphonic Fantasies ?
Oui, ça arrive ! Vous savez, au Japon, on orchestre d’une façon très particulière. En Occident, c’est encore une autre façon caractéristique, différente aux Etats-Unis et en Europe. Jonne [NDLR : Jonne Valtonen, que nous avons interviewé l’an passé], l’orchestrateur finlandais de ce concert, a une sensibilité qui correspond vraiment à ma musique. En l’écoutant, je découvre des procédés, j’apprends beaucoup, ce qui peut se retrouver dans mes œuvres suivantes.
Dans vos projets récents, il y a Kid Icarus: Uprising, que vous avez partagé avec plusieurs autres compositeurs. Comment s’organisent les compositeurs dans ce genre de cas ?
C’est une personne de l’équipe en charge de l’utilisation du son chez Projet Sora [NDLR : le studio de Masahiro Sakurai, créateur de Kirby et du jeu Kid Icarus: Uprising] qui s’est occupée de répartir les morceaux entre les compositeurs. Il faut dire que chaque compositeur a ses spécialités et ses faiblesses. De plus, il fallait tenir compte de l’opinion de M. Sakurai.
J’ai écrit le thème qui accompagnait la première présentation du jeu par M. Iwata à l’E3, c’était la première musique du jeu. Les autres compositeurs ont ensuite travaillé à partir de cette musique.
C’est vous qui vous êtes occupé de l’unité générale de la bande-son ?
En effet. J’écoutais les compositions de chacun, qui avaient un son hétérogène, je m’occupais de leur son. Nous avons orchestré, moi et Kameoka [NDLR : Natsumi Kameoka, orchestratrice de Procyon Studio], afin de garder une cohérence sonore. En écoutant le résultat final, je trouve qu’il s’agit d’une bande son bien équilibrée, même si les pistes originales sont de plusieurs compositeurs différents.
Soul Sacrifice est un jeu à l’univers plutôt sombre, ce qui change de vos œuvres passées. Comment adaptez-vous votre style à cette ambiance ?
C’est plutôt un jeu d’horreur sombre, avec un aspect gore. De tous les jeux pour lesquel j’ai composés à ce jour, c’est probablement le plus sombre. Néanmoins, je compte écrire des mélodies fortes. Tout en satisfaisant la demande du producteur, qui souhaite un son hollywoodien, je suis actuellement au travail en espérant aussi créer quelque chose de bien japonais.
Comme c’est un univers auquel je n’ai encore jamais eu affaire, je compose en tâtonnant, c’est très délicat.
Vous composez pour Soul Sacrifice avec Wataru Hokoyama, comment se passe cette collaboration ?
Nous collaborons intimement en compensant chacun nos faiblesses par les forces de l’autre. Nous nous téléphonons souvent pour savoir comment avance le travail de l’autre ou pour se demander des conseils. C’est un excellent compositeur, je suis excité de travailler avec lui.
Passons maintenant au dessin animé. Vous avez composé pour Inazuma Eleven avant de faire une pause d’une saison puis de reprendre la série en main.
J’ai fait une pause avec Inazuma Eleven Go parce que j’avais un planning très serré et que je ne pouvais pas m’y consacrer convenablement. J’ai donc refusé. Ensuite, le président de Level-Five, M. Hino, m’a plusieurs fois fait des offres et j’ai cédé (rires). Entre temps, j’ai travaillé sur d’autres projets, ce qui fait que j’ai pu retourner à Inazuma Eleven avec un nouvel état d’esprit. Je pense que c’était une bonne chose.
En France, la série Inazuma Eleven est également diffusée !
Oh, vraiment ? J’espère que beaucoup d’enfants français regardent la série. En plus, le début est du genre émouvant !
La dernière question n’en est pas une… Au sujet de l’album arrangé de Chrono Cross…
J’y travaille mais, comme vous le savez, je manque de temps. À vrai dire, j’aimerais moi aussi trouver le temps de m’y remettre à fond ! (rires). Mais ça n’avance pas comme prévu. Mais je vais faire de mon mieux, je vous demande juste de l’attendre patiemment !
Interview réalisée le 6 juillet 2012 pour Musica Ludi par Wayô Records grâce au concours bienveillant de Thomas Böcker, que nous remercions vivement.