Critique : Valkyrie Profile OST + Arrange album

Tri Ace est une boîte que j’admire beaucoup. Leurs jeux touchent mon petit cœur de gamer en plein dans le mille. Je me rappelle des premières images et vidéos que j’ai pu voir de Valkyrie Profile à l’époque : un vrai électrochoc, plus fort encore que Secret of Evermore et Final Fantasy VII. Avec un ami proche, nous avions fini par acheter le jeu à deux, lycéens sans le sou que nous étions. C’est via cette pépite de RPG japonais que j’ai découvert Motoi Sakuraba, qui trône aujourd’hui encore tout en haut de mes artistes favoris.

La mythologie nordique est tout à fait fascinante. En voici un grossier résumé pour ceux qui ne la connaissent pas : il existe deux castes de Dieux (Æsirs et Vanirs) destinés à s’affronter dans un combat mortel signifiant la fin de leur ère, le Ragnarök. Ces Dieux vivent dans leur royaume, Asgard, tandis que les humains vivent sur la terre, Midgard. Odin, le chef des Æsirs, charge ses Valkyries de recruter des guerriers morts (Einherjars) de Midgard pour renforcer son armée en vue du Ragnarök. Voilà pour la petite histoire. VP vous met, évidemment, dans la peau d’une Valkyrie, et vous allez donc assister à de nombreuses scènes de combats, de mort, de trahison. Des destins funestes et des histoires tragiques dans un monde mourant et malheureux. Un cadre assez peu accueillant de prime abord, mais auquel on s’attache rapidement grâce au travail de fond des personnages et à la mise en scène de leurs derniers instants. L’écriture des dialogues est intelligente, gracieuse, et magnifiée par des compositions graves, légères ou pesantes selon la situation. « All becomes Twilight », avec sa guitare sèche et ses chœurs pathétiques, accompagne par exemple le joueur dans un village dévasté par la famine et la pauvreté. Un sentiment prolongé par l’album arrangé, notamment dans une « A Speck of the Heart » à l’ambiance cristalline.

Asgard

Sakuraba a su créer des pistes d’une rare justesse, même les plus lourdes. Comprenez par là : elles sont loin d’être aussi gavantes que les déferlements cuivrés qu’il nous sert depuis dix ans maintenant. De toute façon, la bande son de Valkyrie Profile marque un tournant dans sa carrière. C’est la dernière qu’il ait composé de manière entièrement synthétique (il ne commencera à faire appel à un orchestre et / ou à des instruments plus acoustiques qu’à partir de Star Ocean 3). C’est donc avec VP que s’achève une époque où les violons, les chœurs et les hautbois étaient préférés aux cuivres. C’est aussi la fin d’une période un peu folle, comme si Sakuraba fêtait son enterrement de vie de garçon dans une orgie de sons synthétiques. Car VP n’est pas qu’un jeu tragique, c’est aussi un monstre de gameplay dont les systèmes de combat et d’évolution sont parfaitement calibrés. Les combats, notamment, sont survoltés. Ou, au choix : jouissifs, défoulants, craqués, complètement barrés. Ou un peu tout ça à la fois. Une chose est sûre, ils sont d’une rare intensité visuelle, procurant au joueur une sensation de surpuissance euphorique continue. Mais il fallait un point final sonore, une cerise musicale sur un gâteau déjà délicieux. Ça ressemble plutôt à de la dynamite, mais peu importe. Sakuraba s’est sûrement dit « je vais tout faire péter ». Quand « Unconfirmed God Fighting Syndrome » nous guide de son air héroïque, « The True Nature of All » nous porte de son souffle épique, le tout dans un rock prog’ à 100 à l’heure. Quant à « Confidence in the Domination », pure boule d’énergie dévastatrice, c’est simplement le thème de boss le plus barge de Sakuraba, qu’on se le dise.

On trouve également beaucoup de thèmes de donjons, ceux-ci étant très nombreux dans le jeu. Encore une fois, on est servi. Et pas dans la demi-mesure, s’il vous plaît. Concentrés pour la majorité entre la fin du premier CD et le début du second, ils ont tous pour point commun d’être d’excellents stimulants, énergiques et entraînants. Les jeux de basse et de percussions y sont rythmés, les synthés modulent dans tous les sens, tantôt agressifs, tantôt plus mélodieux et accompagnés d’une flûte délicate, le tout déchaînant les passions guerrières des joueurs / auditeurs : Sakuraba le combattant, inarrêtable, nous entraîne avec lui dans un imaginaire parfois violent, mais toujours épique. Les morceaux sont courts (moins de deux minutes) mais n’ont aucun temps mort, seulement des cassures de rythme toujours bien trouvées. Bien sûr, l’album arrangé propose des versions améliorées et rallongées. « Distortions in the Bottom of Hell » se pare ainsi de quelques solos rajoutés, et même d’un passage purement électro ! Inarrêtable, qu’on vous dit.

Nibelung Valesti

Il y a aussi « The First Unison », qui, avec sa mélodie héroïque jouée par le clavecin et la flûte, pousse le courage et l’épique à leur paroxysme alors que la Valkyrie s’élance sur les collines d’Asgard pour un ultime combat. Ébouriffant. Et puis ces thèmes aussi récurrents qu’agréables : « Behave irrationally » avec son carillon et les lamentations de la flûte d’un côté, à chaque mort d’un futur Einherjar ; « Blameless Thoughts », ses deux coups de baguette et ses synthés triomphants à chaque sortie victorieuse d’un donjon maîtrisé de l’autre. L’album arrangé propose aussi deux thèmes fabuleux. Le premier, c’est « To the Impure Land ~ The neverending cycle of reincarnation ». Baignant dans une douceur majestueuse, avec des cuivres mélodieux (!) et des nappes de violons légères enrobées de harpe, il se finit en apothéose dans une atmosphère éthérée, organique et rêveuse. Le second, c’est « Requiem to a Predicament ~ Sky Gate », le thème de la carte du jeu. S’il commence par des sons de cloches mystérieux, les chœurs, les distorsions des synthés, la batterie et les sons électroniques prennent le relais pour une piste dense, à l’ambiance planante et, là encore, complètement rêveuse. Sans doute un des meilleurs thèmes de carte de l’histoire du RPG.

Valkyrie Profile, c’est tout ça. Un univers sonore à l’ambiance unique, parfois terriblement tragique et souvent sauvagement épique ; un concentré de fougue, sans fausse note (aucune piste n’est vraiment mauvaise). Un univers qui, malheureusement, n’est pas facile d’accès. L’aspect hyper-synthétique et le côté « tout feu tout flamme » en rebutent plus d’un. Dommage, vraiment… La VP touch est si unique qu’il faut au moins l’écouter une fois. En faisant le jeu, ça passe sûrement mieux qu’à l’écoute pure, un peu brute. To my side, Dark Warriors, Battle awaits us !

Clément

Avis : Excellent

Coups de cœur :

  • Confidence in the Domination
  • The First Unison
  • Requiem to a Predicament ~ Sky Gate