La suite de Demon’s Souls appelant une bande-son uniquement orchestrale pour s’accorder au jeu, l’annonce de Motoi Sakuraba à la composition laissait craindre le pire. En effet, ses derniers travaux démontraient un manque d’inspiration de sa part pour les pistes orchestrales, dans lesquelles, trop souvent, il noyait tout semblant de mélodie sous une avalanche de cuivres pompeux plutôt désagréable pour les tympans (cf. l’OST de Star Ocean 4 qui regorge de ce genre de choses). Mais, étonnamment, le travail livré ici – pourtant le plus sombre de sa carrière – est beaucoup plus appréciable. A cela deux raisons : premièrement, tout est véritablement orchestré ce qui donne des compositions moins lourdes, les cuivres retrouvant un niveau sonore plus « naturel » et n’étouffant plus le reste, et deuxièmement, Sakuraba semble avoir été plus inspiré en cherchant se rapprocher du style de Shunsuke Kida et à coller à l’esprit de la série. L’intro et la superbe musique du lieu central « Firelink Shrine » ont d’ailleurs un style et une construction similaires à leurs homologues dans Demon’s Souls.
Afin de renforcer le stress du joueur lors des affrontements contre les boss terrifiants qui peuvent l’annihiler en un coup, Sakuraba agrémente de manière réussie son style habituel d’effets empruntés à la musique de films horrifiques. Citons par exemple les cordes stridentes et dissonantes de « Bell Gargoyle », les chuchotements malsains de « Pinwheel » ou encore le climax de « Centipede Demon » avec une montée des violons dans les aigus qui se termine sur une explosion glaçante de chœurs féminins, à donner la chair de poule. Les chœurs, véritables vedettes de cette OST, sont tour à tour impressionnants, tétanisants, épiques ou juste beaux. Car au milieu des musiques épuisantes, qui mettent la pression et qui sorties du contexte du jeu peuvent manquer d’intérêt, on trouve quelques thèmes de combat surprenants, plus calmes, d’une beauté noire et profonde. « Dark Sun Gwyndolin », emmenée par une voix d’une fascinante froideur, ou encore la majestueuse et tragique « Great Grey Wolf Sif » sont même les belles compositions de Sakuraba de ces dernières années. Qui aurait cru les trouver sur Dark Souls ? Pas moi. La piste finale sur laquelle se pose la voix d’Emi « Nier » Evans vaut également le coup d’oreille, même si certains passages sont copiés/collés de « So Alone Be Sorrow » de Star Ocean 3.
Olivier
Avis : Très bon
Coups de cœur :
- Great Grey Wolf Sif
- Dark Sun Gwyndolin
- Gwynevere
- Princess of Sunlight
____________________________________________________________________________________________
Dark Souls fait par Sakuraba, c’est un petit peu la promesse d’une souffrance sans limite. Pensez donc : un univers Dark Fantasy rempli d’ennemis agressifs et effrayants, ça mérite bien des tartines de cuivres bien lourds. Manquait plus que ça. (soupir) Dans un souci de crédibilité, tout l’album a été orchestré. Exit donc les cuivres synthétiques, place aux vrais instruments. De toute façon, le salut ne peut passer que par là. Maintenant, prenez une bonne respiration et fermez les yeux : vous entrez dans le monde de Dark Souls. Le vent souffle alors que le soleil se couche sur un étroit rempart en hauteur. Vous venez d’abattre deux arbalétriers et une dizaine de mort-vivants répugnants. Haletant, les mains ruisselantes de sueur, vous profitez de ce répit mérité quand soudain, il surgit. « Taurus Demon ». Enragé comme un diable, il abat son énorme gourdin sur vous et fracasse votre bouclier, anéantissant tout espoir de triomphe. Retour au feu de camp.
Cette fois, vous vous enfoncez de plus en plus profondément dans des égouts infects quand émerge de l’eau croupie un « Gaping Dragon » aux mâchoires multiples et saillantes. Les dents serrées, en apnée, vous faites face. Après un rude combat, c’est avec soulagement que vous revenez au « Firelink Shrine », même si son violoncelle aérien est empreint d’une certaine mélancolie. Mais il vous faut repartir, déjà, et affronter des périls plus grands encore. « Chaos Witch Quelaag », et d’autres, vous attendent dans les profondeurs de l’Enfer. Et si d’aventure vous n’êtes pas rassasié, osez vous frotter à « Seath the Scaleless » et son orchestration complètement dissonante porté par un marimba détraqué. Rouvrez les yeux. Bien que très pompeuse, la bande son est une merveille d’adéquation ingame. Alors que d’ordinaire, Sakuraba nous invite à la transcendance avec son style épique, il s’est cette fois rangé du côté de l’ennemi et semble l’encourager à se ruer sur nous jusqu’à la mort, inéluctable. Quelques précieux instants de légèreté, volés, nous permettent heureusement de continuer sans devenir fou. La tragique « Daughters of Chaos » ou la planante « Nameless Song » (Emi Evans !), par exemple, comptent parmi les instants salvateurs entre deux combats écrasants ; de réels délices qui nous évitent de sombrer dans les abysses de la suffocation. C’est là tout le paradoxe de Dark Souls, aussi bien le jeu que la bande son : malgré la souffrance, les lourdeurs, la mort, on y revient toujours avec un plaisir quasi masochiste.
Clément
Avis : Bon
Coups de cœur :
- Daughters of Chaos
- Gwyn, Lord of Cinder
- Nameless Song