Pour la première fois depuis sa création, Distant Worlds débarquait ce samedi 5 novembre sur le Vieux Continent, à Londres précisément. Mais qu’est-ce donc ? Tout simplement le concert officiel de la série la plus populaire qui soit, Final Fantasy. Impossible de rater pareil événement, surtout à moins de deux heures de train. Mon dernier passage dans la capitale anglaise remontait à environ quinze ans. A peine collégien, j’avais découvert une ville banale et bizarre, avec ses bus à deux étages et son bacon frit ; je me contre-foutais totalement d’une quelconque notion de beauté architecturale. Les années ont passé, le bonhomme a mûri. Londres possède des quartiers somptueux, et probablement l’une des plus jolies salles de concert de la planète. Accessoirement, les filles court vêtues sont plutôt charmantes, mais ce n’est pas vraiment le sujet.
Malgré la controverse des derniers épisodes de la série, la notoriété de Final Fantasy demeure intacte. Même si la salle n’était pas tout à fait pleine, on dénombrait au bas mot 4900 personnes venues célébrer ensemble leur compositeur et jeux fétiches. Nobuo Uematsu, évidemment, est dans la salle ; il monte rapidement sur scène pour saluer un public aux anges. Le confort est optimum, le plaisir immense. Malgré un programme sans réelles surprises, notamment pour qui a déjà entendu les albums Distant Worlds (ici ou là, par exemple), je me laisse rapidement gagner par les mêmes sentiments d’aisance et de nostalgie que d’habitude. Quand la harpe du « Prelude » résonne de ces notes mythiques, je me sens comme chez moi ; quand la mélodie de « Don’t be Afraid » progresse, lente mais puissante, mes yeux embués se souviennent avec candeur de ces heures passées sur l’épisode VIII. Mais la nostalgie n’est pas seule, le talent l’épaule. Au sommet de la carrière de Uematsu, se dresse ainsi un morceau gigantesque, fier thème du combat de fin contre l’un des plus mémorables vilains de la série, Cefka. « Dancing Mad », chef-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvre, est long d’une quinzaine de minutes, quatre phases, et sa puissance folle n’a d’égale que son ingéniosité. Avec la chorale et un orgue de dix mille tubes, la force se dégageant du final est vraiment époustouflante (le siège tremblait !). Et que dire de l’Opéra symphonique « Aria di Mezzo Carattere » ? Les trois choristes solistes ont la voix énergique et dramatique, mais toujours portante et assurée ; là encore, le final en apothéose est incroyable. Bien sûr, FF se dote également d’une chanson-thème à chaque épisode depuis le huitième. De sa voix romantique et chaleureuse, Susan Calloway nous interprète ainsi trois d’entre elles : « Eyes on Me » (FFVIII), « Memoro de la Ŝtono~Distant Worlds » (FFXI) et « Kiss me Goodbye » (FFXII).
Alors que tous les éléments étaient réunis pour que la soirée soit parfaite, quelques soucis sont venus un peu gâcher la fête. Certes, l’erreur est humaine, et quelques bévues dans un concert de plus de deux heures sont pardonnables, mais tout de même : les cuivres semblaient complètement à côté de la plaque pendant les trois quarts du concert, particulièrement dans « You Are Not Alone ». L’organiste, lui, a complètement bouffé sa partition dans « Dancing Mad ». Mauvaise préparation ? Pression ? Manque de talent ? Je ne sais pas, mais vu le standing supposé du concert et de l’orchestre, ainsi que le prix des billets, c’est un peu décevant. Quant aux arrangements, certains étaient un peu fades, notamment « Blinded by Light », le thème de combat de XIII composé par Hamauzu. Dans la version originale, le violon solo explose avec un énergie débordante ; ici, il était remplacé par l’ensemble des cordes dans une version beaucoup moins dynamique. On passe donc complètement à côté du point fort du morceau… Enfin, peut-être un peu plus discutable mais d’autant plus subjectif, la présence débordante de VII a presque rendu certains opus un peu transparents, comme IX ou XII pour ne citer qu’eux, alors même qu’ils regorgent également de thèmes tout aussi fabuleux. Mettons néanmoins de côté ces petites déceptions. Il serait malvenu de les laisser prendre le dessus sur ce qu’est réellement Distant Worlds : un bon moment, une fête, un hommage. Les acclamations lors du thème de Tina, qui fait office de « générique de fin » alors que défile sur les écrans géants l’introduction de VI, peuvent en témoigner ! Et puis, avez-vous déjà vu Uematsu monter sur scène et accompagner la chorale de « One-Winged Angel » ? Un moment assurément épique. Nos voisins Anglais peuvent être fiers d’avoir accueilli pareil événement, et pourront même bientôt se vanter de l’accueillir une seconde fois, puisqu’Arnie Roth a annoncé que le concert serait de retour là-bas le 17 novembre 2012. En attendant que vienne le tour de Paris.
– Clément
Merci à Florian A. pour la photo du Royal Albert Hall.