« Nous avons écouté de nombreux compositeurs avant de trouver celui qui conviendrait à Assassin’s Creed », affirmait la productrice Jade Raymond dans le communiqué de presse qui officialisait la participation de Jesper Kyd au premier épisode de la future série. Il faut dire que l’équipe de développement était en train de mettre au point une plongée absolument inédite dans l’ambiance des Croisades, ère jusque-là peu exploitée par les jeux d’action-aventure, et qu’il aurait été dommage de ne pas accompagner cette percée d’une musique travaillée. Précisément, Kyd n’en était pas à sa première expérience. Le compositeur des quatre premiers Hitman et de Freedom Fighters, entre autres, a déjà prouvé qu’il savait mêler les styles, de l’orchestral à l’électronique, pour créer des ambiances musicales prenantes. Avec Assassin’s Creed, il a trouvé une nouvelle mythologie et celle-ci, en traversant les époques depuis le futur très proche jusqu’à un millénaire dans le passé, lui a permis de mettre précisément à contribution cette approche.
Alors que sort cette semaine le dernier épisode en date, Assassin’s Creed Revelations, Musica Ludi vous propose une rétrospective de la série. Vous comprendrez comment le style de Jesper Kyd a évolué au fil des épisodes et quelles sont ses inspirations.
Au croisement des âges et des cultures : Assassin’s Creed (2007)
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Le premier épisode de la série Assassin’s Creed se déroule en grande partie durant la troisième croisade, au XIIe siècle, bien que certaines séquences se passent en 2012. Jesper Kyd, bien conscient que composer pour un jeu historique est une occasion rare, en a profité pour créer des musiques différentes de celles, plus hollywoodiennes, qu’il avait pu écrire pour Hitman par exemple. Après avoir composé un premier prototype de musique pour la présentation du jeu à l’E3 2006, il a commencé par imaginer les thèmes des trois principales villes du jeu (Acre, Damas et Jérusalem) et du bastion des assassins, Masyaf. L’équipe de développement lui a soufflé les premières idées pour ces musiques : ce sont eux qui ont voulu que le thème d’Acre illustre une sorte de « drame chrétien », que celui de Damas tente une approche musulmane sans tomber dans les gammes habituelles, et que celui de Jérusalem soit à la rencontre des différentes religions. Pour illustrer le conflit entraîné par les Croisades dans la ville sainte, Kyd a ainsi mélangé des chants grégoriens avec des flûtes et percussions orientales.
En dehors de ces propositions de l’équipe, le compositeur a néanmoins disposé d’une vraie liberté, ce qui lui a permis notamment de mettre au point l’ambiance méditative qui entoure les assassins, à travers les musiques d’approches par exemple. Tout comme les designers du jeu, il a fait de nombreuses recherches historiques pour savoir à quoi pouvait ressembler la musique de la fin du XIIe siècle, les instruments principalement. Malgré ces recherches, il lui a réellement fallu inventer un son et, avec les différentes phases de jeu proposées par Assassin’s Creed, Kyd a dû développer de nombreuses ambiances conformément au rythme du jeu : cinématique, exploration, enquête, approche, combat et fuite. C’est d’ailleurs la liberté d’exploration offerte par le jeu que le compositeur admire le plus. En fin de compte, il a produit environ 100 pistes, pour un total de 3 heures de musique brute.
Sous les lumières de la Renaissance : Assassin’s Creed II (2009)
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Le deuxième épisode de la série fut un bond absolument spectaculaire en avant, la plupart des défauts du premier se trouvant en effet corrigés. Jesper Kyd a naturellement accompagné avec sa musique toutes les nouveautés apportées par les développeurs. Mais le changement le plus crucial reste naturellement celui du contexte : après les Croisades, Assassin’s Creed II avance de quelques siècles et prend place dans l’Italie du XVe siècle, au moment où la Renaissance est en plein essor. La première chose qui frappe est donc l’ambiance plus délicate, plus cinématique apportée par la musique. Grâce à un budget plus généreux, le compositeur a pu enregistrer la plus grande partie de la bande originale en studio, avec de nombreux musiciens : une vingtaine de violons, avec des solos d’Alyssa J. Park, une dizaine d’altos, une dizaine de violoncelles, une autre dizaine de choristes, avec Melissa Kaplan en soliste… Kyd voit même dans sa musique pour ACII une approche romantique, la période du jeu s’y prêtant plus facilement que le premier. On trouve même une tarantella, une danse traditionnelle italienne.
Pourtant, l’obscurité n’est jamais très loin, le compositeur n’ayant pas oublié qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’assassins. Le jeu compte ainsi un certain nombre de musiques sombres et inquiétantes, illustrant les nombreuses conspirations qui nourrissent le scénario. Cette approche plus classique des compositions se prête également à une optique plus dramatique et, parmi les musiques de ce type, « Ezio’s Family » reste encore aujourd’hui la plus populaire. Kyd lui-même est impressionné par le succès de cette piste, visionnée plusieurs millions de fois sur YouTube, à tel point qu’il a le sentiment qu’une communauté s’est créée autour de ce morceau. Pour le composer, il s’est inspiré des événements le plus souvent tragiques qui rythment la vie d’Ezio, et qui le conduisent sur le chemin des assassins.
Dans les méandres du Vatican : Assassin’s Creed Brotherhood (2010)
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Brotherhood n’est pas encore un vrai Assassin’s Creed III. Cet épisode est la suite directe du deuxième, avec lequel il partage donc un contexte très proche, Ezio étant toujours le héros. Pour Jesper Kyd, la bande originale du jeu était donc un défi : il lui fallait en effet trouver une approche nouvelle par rapport à ACII, tout en en restant le plus proche possible pour que l’ambiance semble cohérente si jamais une musique de l’épisode précédent est réutilisée. Après avoir réalisé de nombreuses recherches sur la famille Borgia, qui est au cœur de l’histoire, et notamment sur la personnalité de Cesare Borgia, Kyd a convenu qu’il devait amener dans Brotherhood une musique plus sombre, plus « malsaine ». Là où la bande originale d’ACII restait assez légère, inspirée notamment par l’opéra, celle de Brotherhood est beaucoup plus grave. Pour accentuer cette sensation, Kyd a amplifié le côté moderne des musiques d’une manière inhabituelle : après avoir enregistré les différents instruments acoustiques en studio, il les a volontairement retouchés par ordinateur pour leur donner un « grain » particulier.
L’une des particularités du jeu est de reposer beaucoup sur certains thèmes : celui de Borgia, celui d’Ezio devenu maître assassin, ceux des différents quartiers de Rome, mais aussi des thèmes pour les aspects plus modernes ou fantastiques de l’intrigue, à savoir le personnage de Desmond Miles et la pomme d’Éden. Ces deux thèmes contribuent pour beaucoup à l’optique plus mystérieuse, plus moderne de la bande originale. Seul thème commun aux trois premiers Assassin’s Creed, celui des assassins fait qui plus est son retour sous une nouvelle forme. En fin de compte, même s’il n’a eu qu’environ 6 mois pour écrire toutes les nouvelles compositions, Jesper Kyd a produit environ 2 heures de musique pour Brotherhood.
Le retour au Proche-Orient : Assassin’s Creed Revelations (2011)
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Pour la première fois dans la série, Assassin’s Creed Revelations n’est pas uniquement l’œuvre de Jesper Kyd. S’il a signé un certain nombre de pistes, il a été accompagné par Lorne Balfe, un collaborateur régulier du compositeur de cinéma Hans Zimmer. Balfe a écrit une certaine partie des pistes pour le mode histoire, mais il est surtout l’auteur de toutes les musiques du mode multijoueur, auxquelles il a apporté une approche un peu plus cinématique. Dans le mode histoire, Kyd est quant à lui revenu à un style plus léger et épuré que dans Brotherhood, offrant à la ville de Constantinople qui sert de cœur au jeu plusieurs thèmes semblables à ceux de Florence ou Venise dans Assassin’s Creed II.
Reste maintenant à savoir quel sera la nature du nouvel Assassin’s Creed promis par Ubisoft pour l’année 2012, et bien sûr à vérifier si Jesper Kyd reprendra son rôle de compositeur.