Il y a un peu plus d'un an et demi, je vous racontais comme j'étais tout excité de voir pour la première fois Philip Glass en concert. Avant-hier, j'ai pu réaliser le rêve de tout amateur de Glass qui se respecte : assister à une représentation de son premier opéra,
Einstein on the Beach, qui date de 1976. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s'agit probablement de l'oeuvre la plus hardcore que l'école minimaliste new-yorkaise ait jamais produite : ultra-répétitive, démesurément longue (plus de quatre heures et demi sans entracte), complètement abstraite voire absurde par moment... Bref, il faut être relativement motivé pour oser se lancer dedans. Mais sa race, ça vaut le coût.
Je ne vais pas vous faire un long compte-rendu de la soirée, ce serait de toute façon impossible tant l'expérience est avant tout sensorielle, indescriptible. Mais en tout cas, je vais vous dire que c'est probablement l'un des spectacles les plus puissants, les plus prodigieux que j'ai vu de ma vie. Au-delà de la performance ahurissante des artistes sur scène et dans la fosse (je n'ose même pas imaginer le niveau de concentration que doit demander l'exécution d'une telle partition), je n'ai jamais ressenti une telle transe devant un spectacle visuel et sonore. Au bout des 4h30, on a presque l'impression d'être ivre, de s'être totalement laissé intoxiquer par la radicalité de la musique et de la mise en scène.
Quand on sait que c'est la première fois que le spectacle est repris à Paris depuis 1992, je me sens vraiment chanceux de l'avoir vu en vrai. À vrai dire, rien que de voir monter sur scène, à la fin, les trois légendes vivantes que sont Glass, le metteur en scène Robert Wilson et la chorégraphe Lucinda Childs, ça colle des frissons. Quelle expérience, purée !
Si j'ai réussi à attiser votre curiosité et que vous voulez voir à quoi ça ressemble, toutes les représentations parisiennes sont malheureusement complètes depuis bien longtemps. Cela dit, l'opéra a été filmé pour la toute première fois mardi soir, et est
visionnable en streaming jusqu'au 7 mai prochain. Je doute que l'expérience soit aussi prenante devant un écran qu'en vrai, mais bon, c'est toujours ça de pris !