Jonah a écrit:C'est toujours pareil avec le jeu vidéo de toute manière : il doit absolument être relié à un autre art, comme s'il ne pouvait pas lui-même être un art à part entière. Certes, il mélange plusieurs arts déjà existants, mais il y ajoute quelque chose d'unique, l'interaction, ce qui à mon sens lui permet d'être appelé "art" (et pas seulement avec les jeux dits "poétiques"). Mais je m'égare.
Oui enfin, sans pour autant relancer un sujet sur la notion d'art dans le jeu vidéo: combien de jeux narratifs existe-t-il où il n'est pas question de casser du méchant à la chaine (des monstres, des soldats, des zombies, tout ce que vous voulez) pour sauver le monde ou pour sauver je ne sais quoi, je ne sais qui...
Moi j'en vois pas beaucoup qui échappent à ce genre de petits fantasmes infantiles. Et que les auteurs y apposent en arrière fond un contexte allégorique ou pas n'y change rien: au contraire, lorsque c'est le cas je trouve que ça ajoute pas mal de ridicule à l'ensemble (ajouter un contenu allégorique dans un univers où des filles légèrement vêtues sauvent le monde en tatanant du méchant dans des robots, je trouve ça relativement puéril tout de même et légèrement en décalage avec ce que l'on est en droit d'attendre, à tous les plans esthétiques, d'une production aux prétentions allégoriques ou métaphysiques).
Les seuls véritables jeux narratifs où il n'est pas question de ce genre de lubies sont les "point & clic" (au sens large) or au plan de l'interactivité en elle-même ils restent un type de jeu relativement poussif et limité... Donc peu à même de représenter l'avant garde d'un éventuel "art interactif". Sans compter qu'eux aussi sont souvent gangrénés par des récits et des esthétiques assez peu distingués (exemple: les jeux type "hollywood night" de David Cage, avec des flingues, des intrigues feuilletonesques et un peu de fantastique bas de gamme, bref rien de très reluisant).
Je rappelle que les arts ont gagné leurs lettres de noblesse avec, entre autres, les écrits de Mallarmé, Molière, Bloy, avec les symphonies de Berlioz, Schrecker, Scriabin ou Messiaen, avec les films de Jacques Tati, Max Ophuls, Fellini ou Visconti... Bref tant d'oeuvres qui ne s’accommoderaient pas des manques de raffinement manifestes propres aux lubies par trop puériles et infantiles que les auteurs développent dans les jeux vidéo depuis plus de 30 ans (ainsi que dans de nombreux films post-1980).
J'ajoute que les œuvres importantes de littérature, de théâtre, de musique ou de cinéma (le cinéma d'avant 1980 tout du moins) traitent relativement peu (en proportion) de sujets où il est question de sauver quoi que ce soit en tatanant du méchant, du monstre ou du zombie.
Évidemment rien n'est figé, encore heureux et si elles le voulaient vraiment, les disciplines interactives pourraient accoucher d'innombrables productions débarrassées de toutes ces lubies un peu trop vulgaires et plombantes: bref en attendant l'avènement de cette ère hypothétique, il n'est pas nécessaire d'être trop gourmand ou trop pressé quant à ce que le monde des disciplines interactives intègre la prestigieuse catégorie des arts.
Pour finir, je précise que tout ça n'a rien de méprisant, hein, on en est plus à l'époque squaremusic où ce genre de discussion n'aurait sans doute pas pu se tenir de manière sereine ou dépassionnée; je me contente de formuler un simple constat un peu honnête. Rien n'empêche de trouver un plaisir tout à fait légitime dans la production vidéo-ludique des 30 dernières années. On peut voir ces jeux comme l'équivalent de bons feuilletons. Et des feuilletons, écrits ou filmés, il y en a d'excellents.