2011 – Bilan musical d’une année riche en émotions

L’équipe de Musica Ludi vous souhaite une bonne année 2012 et vous invite pour l’occasion à revenir sur l’année de musique de jeu vidéo qui se termine. N’hésitez pas à partager vos impressions dans les commentaires !

JérémieClémentJulienDenysOlivier

Jérémie

Même si Musica Ludi n’existe officiellement que depuis quatre mois, cela fait plus d’un an et demi que nous travaillons activement sur le projet ! Autant dire que nous avons vu passer de nombreuses sorties sans pouvoir vraiment en parler publiquement. 2011 a été une année riche bien au-delà de ses quatre derniers mois. Je retiendrai surtout cette année comme celle de nombreux concerts excitants, particulièrement entre mai et juillet : Masashi Hamauzu et Mina à Paris (et Joe Hisaishi le mois suivant, même si ce n’est pas de la musique de jeu), Akira Yamaoka à Japan Expo, puis le brillant Symphonic Odysseys à Cologne… Distant Worlds à Londres était un beau show, mais moins jouissif musicalement. J’ai un peu honte de faire la fine bouche quand il y a quelques années encore on pouvait se lamenter de l’absence presque totale d’événements vidéoludiques en Europe. Même si les Japonais nous ont balancé leur 4star Orchestra d’anthologie dans la figure en septembre, nous avons de quoi être fiers des beaux concerts auxquels nous avons pu assister !

Du côté des albums, il y a forcément eu des déceptions et des merveilles. C’est une belle banalité que de le souligner. On a pu savourer quelques petites douceurs, comme Myth de Mitsuda, les albums hommage à Castlevania ou l’ambiance fascinante du nouveau Deus Ex. J’ai surtout été déçu par le Last Story bien fade de Nobuo Uematsu et par Final Fantasy Type-0, témoin malheureux des limites musicales de Takeharu Ishimoto. Des limites d’autant plus perceptibles que Final Fantasy XIII-2, deux mois plus tard, défonçait toutes les portes et démontrait le degré de maîtrise absolument exceptionnel de ses trois compositeurs : si je devais désigner l’homme de l’année pour la musique de jeu vidéo, ce serait sans aucune hésitation Naoshi Mizuta. Il a beau composer chez Square depuis 1999, j’ai eu l’impression de le découvrir pour la première fois avec FFXIII-2

Coups de cœur

Déceptions

En 2012 ?

Curieusement, je ne sais pas trop qu’attendre de 2012, n’ayant pas réellement réfléchi aux jeux qui sortiront au cours des prochains mois. Pas encore de projets qui ont vraiment piqué ma curiosité, juste l’enthousiasme naturel devant une nouvelle année. En espérant, bien sûr, que ce soit celle qui enfin nous apporte l’album arrangé de Chrono Cross

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Clément

L’année musicale a été plutôt riche en émotions et en découvertes. En 2011, en parallèle à Musica Ludi, j’ai découvert pas mal d’artistes de rock progressif m’ayant captivé plus d’heures que de raisonnable. Pêle-mêle : Patrick Broguières, Asturias (merci rédac’-chef !), Gerard, Ars Nova. Si vous y jetez une oreille, vous verrez que l’imaginaire qui anime ces musiciens est finalement assez proche de celui de nos artistes de VGM préférés. Concernant la VGM, justement, si quelques albums m’ont marqué et d’autres déçu (voir plus bas), beaucoup n’ont malheureusement pas atteint ma chaîne Hi-Fi, faute de temps et de moyens. Il y a eu aussi, évidemment, ces concerts magiques, en mai, juillet et août… Et l’année s’est achevée d’une manière explosive avec la bombe musicale FFXIII-2 , sans conteste possible LA bande son de cette année : si le jeu me laisse de marbre, son univers musical me rend complètement fou. Passez de bonnes fêtes de fin d’année, en musique tant qu’à faire, et à très bientôt pour de nouvelles aventures musicales !

La number one

Les autres

Les déceptions

Et pour 2012 ?

L’année 2012 me semble plutôt incertaine. Je préfère de toute façon ne pas trop avoir d’attentes et prendre les bandes son l’une après l’autre sans me poser de questions. Et j’en ai tellement à rattraper ! J’attends néanmoins celle de Beyond the Labyrinth et éventuellement Final Fantasy vs XIII. Et pourquoi pas l’album complet d’IMERUAT ?

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Julien

J’ai la chance d’avoir un métier qui me permet de découvrir (et de faire découvrir) de la musique au quotidien. Ainsi, de nombreux artistes dans des registres divers et variés ont su me faire vibrer cette année : Diane Birch en Soul, Melismell en chanson française, Beirut en Folk-Rock, Vîrus en Rap français, Bliss en musique d’ambiance… Les exemples ne manquent pas. Bien sûr, la musique de jeu a également occupé une place particulièrement importante pour moi en 2011. L’un des plus beaux moments fut probablement la venue de Masashi Hamauzu et Mina à Paris, absolument inoubliable. Le début d’année fut aussi très chargé avec les sorties quasi-simultanées de Hoshi no Kashû, Myth et The Last Story, qui me comblèrent de joie durant plusieurs mois, malgré quelques réserves concernant ce dernier album.

Mon plus grand coup de cœur en matière de VGM cette année est à la fois un coup de gueule que j’aimerais ne plus avoir à déplorer à l’avenir. En effet, Nintendo nous a offert cette année plusieurs jeux de grandes qualités, dotés de musiques mémorables et je fais allusion ici à Kirby : Au fil de l’aventure ainsi qu’à The Legend of Zelda : Skyward Sword. Très intelligents chacun à leur manière, ces jeux sont souvent ponctués de musiques que j’aurais adoré retrouver sur des bandes originales complètes. Malheureusement, Nintendo en a décidé autrement (en tout cas, pour le moment), nous obligeant nous autres passionnés de VGM à prier pour voir ces compositions honorées comme il se doit. Si certains choix dans la politique de Square Enix sont loin de me satisfaire en tant que joueur, il faut bien admettre que ce studio est un exemple en ce qui concerne le soin apporté à la diffusion de la musique de leurs jeux. J’espère sincèrement que Nintendo saura s’en inspirer dans les années à venir ! Fort heureusement, Big N s’est rattrapé d’une bien belle manière avec l’excellent album des 25 ans de Zelda.

Coups de cœur

Déceptions

En 2012 ?

Je me rends compte que mes attentes pour 2012 se tournent essentiellement vers des jeux destinés à la Nintendo 3DS ! Impatient de goûter à Resident Evil Revelations, Kid Icarus Uprising et Bravely Default, j’ai également hâte de jeter une oreille à chacune de leurs BO, dont les extraits m’ont très souvent interpellés à travers des vidéos. Le nom de Nobuo Uematsu à la composition de Fantasy Life me fait également bouillir d’impatience ! En parlant d’Uematsu, rien ne me rendrait plus heureux d’apprendre le développement d’un nouveau projet au sein du studio Mistwalker durant l’année 2012 !
Enfin, tout comme Clément, j’espère aussi pouvoir goûter au premier album d’Imeruat ainsi qu’à la bande originale de Final Fantasy Versus XIII, dont j’attends davantage le travail de Yôko Shimomura que le jeu en lui-même.

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Denys

The Last Story : le seul jeu auquel j’ai joué plus de vingt heures cette année. Certains diront que l’ensemble est homogène, d’autres que ça manque de couleur. En tout cas, on ne peut pas remettre en cause la cohérence de cette musique avec le jeu pour lequel elle a été composée. Certaines pistes resteront dans les esprits, à commencer par la musique de ville, celle du boss final et la chanson-thème. La patte de Suzuki colore bien sûr cette bande originale mais elle laisse généralement entrevoir le matériau d’origine d’Uematsu.

Octave Theory : voir Uematsu reformer un groupe avec des anciens des Black Mages et les nouveaux arrivants Narita et Hirota a été l’une des bonnes nouvelles de l’année. Le faible nombre de pistes et les arrangements un peu frileux des tubes Liberi Fatali et One Winged Angel sont compensés par des perles comme Thread of Fate et The Forest of Thousand Years, chacune servie par un super solo d’Okamiya, mais aussi Homecoming et Octopus Theory, qui rappellent les origines extra-terrestres du groupe. J’ai eu la chance de voir le groupe trois fois en concert et c’est une expérience que je souhaite à tout le monde, elle permet de ne pas perdre de vue qu’un groupe, c’est avant tout des amis musiciens qui jouent face à un public.

IMERUAT : Première sortie brillamment réussie pour le duo Hamauzu/Mina. On attend les prochaines visions de leur monde fabuleux avec impatience et des éclairs plein la tête.

Hideki Sakamoto Orchestral Works : un résumé du sens de la musique de Sakamoto et l’une des plus belles réussites de l’année.

Portal 2 : en quelques mots, un vivier de perles électroniques. L’ensemble est disponible gratuitement sur internet et il serait très dommage de passer à côté.

UnchainBlades Rexx : Les débuts de Tsutomu Narita en tant que compositeur de musique de jeu. Un disque qui laisse paraître une aisance non seulement à l’orchestre mais aussi dans d’autres genres plus légers qui ne se résument pas au pastiche d’Uematsu.

Symphonic Odysseys : Le CD vient de sortir à l’heure où j’écris ces lignes et je ne peux pas juger l’objet, mais le concert m’a suffi pour mesurer la qualité de la musique : ce concert allemand a encore une fois été une démonstration qu’on peut plaire aux fans de musique de jeu tout en ne tombant pas dans la facilité.

Zelda ~ 25h Anniversary Special Orchestra CD : Je ne l’attendais pas particulièrement mais il a fallu se rendre à l’évidence, on a ici les meilleures orchestrations de la série sorties en disque, conclues par un thème de Skyward Sword qu’on peut d’ores et déjà ajouter à la liste des classiques de la musique de jeu.

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Olivier

Musica Ludi a eu la chance d’ouvrir dans une année riche pour la VGM, ce qui fait qu’il y a des choses à dire : beaucoup de bonnes sorties pour régaler nos oreilles des heures durant, des concerts qui nous ont fait vivre des moments magiques, mais également quelques grosses déceptions. Le plus décevant dans ces déceptions, c’est que deux d’entre elles viennent d’un des compositeurs qui, comme c’est le cas pour beaucoup d’entre nous, m’a fait aimer la musique de jeu vidéo : Nobuo Uematsu. La bande originale de The Last Story contient bien trop de pistes aux arrangements hollywoodiens plats, qui sont peut-être efficaces dans le jeu, mais se révèlent assez inintéressantes à l’écoute pure. Quant aux Earthbound Papas, leur album semble avoir été fait à la va-vite.

Mais d’un autre côté la musique de Uematsu est quand même à l’origine de mon meilleur moment musical de l’année, le concert Symphonic Odysseys à Cologne. Grâce à des arrangements orchestraux virtuoses et surprenants, la troupe de Thomas Böcker rend un bien bel hommage au moustachu et contribue encore une fois (après les précédents concerts Symphonic) à faire évoluer le statut de la musique de jeux, les morceaux joués n’ayant rien à envier à des compositions symphoniques originales. Un autre concert mémorable mais pour des raisons totalement différentes est bien évidemment celui de Masashi Hamauzu à Paris : un moment unique et privilégié, totalement magique. Parler de Hamauzu m’amène naturellement à l’OST de Final Fantasy XIII-2 : lui, Naoshi Mizuta et Mitsuto Suzuki nous livrent 4 CD explosifs, d’une grande fraicheur et variété. Même si 2-3 pistes s’approchent dangereusement de la faute de goût ou demandent pas mal d’ouverture d’esprit, voilà une œuvre qui contribue à élargir les horizons de la VGM, et j’applaudis 100 fois la démarche.

Coups de cœur

Déceptions

Session de rattrapage

Adorant les compositions de Michael Giacchino pour le cinéma, j’ai pu découvrir son travail pour la série des Medal of Honor grâce à La-La Land Records qui a réédité en avril toutes les bandes-son de la série dans un beau coffret Medal of Honor Soundtrack Collection. De la grande musique orchestrale et un monument de la VGM occidentale.

Et pour 2012 ?

Avec Dark Souls, j’ai été surpris de retrouver un Motoi Sakuraba sombre mais inspiré, c’est pourquoi j’attends beaucoup de la bande-son de Beyond the Labyrinth, qui s’annonce quant à elle légère et lumineuse, et dont tous les extraits entendus jusqu’à présent ont été un ravissement. Et en 2012, j’aimerais pouvoir jeter une oreille sur un Chrono Cross Arrange Album et sur les OST de Final Fantasy versus XIII et The Last Guardian (et surtout jouer aux jeux pour ces deux là) … l’espoir fait vivre !

Rétrospective : Assassin’s Creed

« Nous avons écouté de nombreux compositeurs avant de trouver celui qui conviendrait à Assassin’s Creed », affirmait la productrice Jade Raymond dans le communiqué de presse qui officialisait la participation de Jesper Kyd au premier épisode de la future série. Il faut dire que l’équipe de développement était en train de mettre au point une plongée absolument inédite dans l’ambiance des Croisades, ère jusque-là peu exploitée par les jeux d’action-aventure, et qu’il aurait été dommage de ne pas accompagner cette percée d’une musique travaillée. Précisément, Kyd n’en était pas à sa première expérience. Le compositeur des quatre premiers Hitman et de Freedom Fighters, entre autres, a déjà prouvé qu’il savait mêler les styles, de l’orchestral à l’électronique, pour créer des ambiances musicales prenantes. Avec Assassin’s Creed, il a trouvé une nouvelle mythologie et celle-ci, en traversant les époques depuis le futur très proche jusqu’à un millénaire dans le passé, lui a permis de mettre précisément à contribution cette approche.

Alors que sort cette semaine le dernier épisode en date, Assassin’s Creed Revelations, Musica Ludi vous propose une rétrospective de la série. Vous comprendrez comment le style de Jesper Kyd a évolué au fil des épisodes et quelles sont ses inspirations.

Au croisement des âges et des cultures : Assassin’s Creed (2007)
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Le premier épisode de la série Assassin’s Creed se déroule en grande partie durant la troisième croisade, au XIIe siècle, bien que certaines séquences se passent en 2012. Jesper Kyd, bien conscient que composer pour un jeu historique est une occasion rare, en a profité pour créer des musiques différentes de celles, plus hollywoodiennes, qu’il avait pu écrire pour Hitman par exemple. Après avoir composé un premier prototype de musique pour la présentation du jeu à l’E3 2006, il a commencé par imaginer les thèmes des trois principales villes du jeu (Acre, Damas et Jérusalem) et du bastion des assassins, Masyaf. L’équipe de développement lui a soufflé les premières idées pour ces musiques : ce sont eux qui ont voulu que le thème d’Acre illustre une sorte de « drame chrétien », que celui de Damas tente une approche musulmane sans tomber dans les gammes habituelles, et que celui de Jérusalem soit à la rencontre des différentes religions. Pour illustrer le conflit entraîné par les Croisades dans la ville sainte, Kyd a ainsi mélangé des chants grégoriens avec des flûtes et percussions orientales.

En dehors de ces propositions de l’équipe, le compositeur a néanmoins disposé d’une vraie liberté, ce qui lui a permis notamment de mettre au point l’ambiance méditative qui entoure les assassins, à travers les musiques d’approches par exemple. Tout comme les designers du jeu, il a fait de nombreuses recherches historiques pour savoir à quoi pouvait ressembler la musique de la fin du XIIe siècle, les instruments principalement. Malgré ces recherches, il lui a réellement fallu inventer un son et, avec les différentes phases de jeu proposées par Assassin’s Creed, Kyd a dû développer de nombreuses ambiances conformément au rythme du jeu : cinématique, exploration, enquête, approche, combat et fuite. C’est d’ailleurs la liberté d’exploration offerte par le jeu que le compositeur admire le plus. En fin de compte, il a produit environ 100 pistes, pour un total de 3 heures de musique brute.

Sous les lumières de la Renaissance : Assassin’s Creed II (2009)
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Le deuxième épisode de la série fut un bond absolument spectaculaire en avant, la plupart des défauts du premier se trouvant en effet corrigés. Jesper Kyd a naturellement accompagné avec sa musique toutes les nouveautés apportées par les développeurs. Mais le changement le plus crucial reste naturellement celui du contexte : après les Croisades, Assassin’s Creed II avance de quelques siècles et prend place dans l’Italie du XVe siècle, au moment où la Renaissance est en plein essor. La première chose qui frappe est donc l’ambiance plus délicate, plus cinématique apportée par la musique. Grâce à un budget plus généreux, le compositeur a pu enregistrer la plus grande partie de la bande originale en studio, avec de nombreux musiciens : une vingtaine de violons, avec des solos d’Alyssa J. Park, une dizaine d’altos, une dizaine de violoncelles, une autre dizaine de choristes, avec Melissa Kaplan en soliste… Kyd voit même dans sa musique pour ACII une approche romantique, la période du jeu s’y prêtant plus facilement que le premier. On trouve même une tarantella, une danse traditionnelle italienne.

Pourtant, l’obscurité n’est jamais très loin, le compositeur n’ayant pas oublié qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’assassins. Le jeu compte ainsi un certain nombre de musiques sombres et inquiétantes, illustrant les nombreuses conspirations qui nourrissent le scénario. Cette approche plus classique des compositions se prête également à une optique plus dramatique et, parmi les musiques de ce type, « Ezio’s Family » reste encore aujourd’hui la plus populaire. Kyd lui-même est impressionné par le succès de cette piste, visionnée plusieurs millions de fois sur YouTube, à tel point qu’il a le sentiment qu’une communauté s’est créée autour de ce morceau. Pour le composer, il s’est inspiré des événements le plus souvent tragiques qui rythment la vie d’Ezio, et qui le conduisent sur le chemin des assassins.

Dans les méandres du Vatican : Assassin’s Creed Brotherhood (2010)
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Brotherhood n’est pas encore un vrai Assassin’s Creed III. Cet épisode est la suite directe du deuxième, avec lequel il partage donc un contexte très proche, Ezio étant toujours le héros. Pour Jesper Kyd, la bande originale du jeu était donc un défi : il lui fallait en effet trouver une approche nouvelle par rapport à ACII, tout en en restant le plus proche possible pour que l’ambiance semble cohérente si jamais une musique de l’épisode précédent est réutilisée. Après avoir réalisé de nombreuses recherches sur la famille Borgia, qui est au cœur de l’histoire, et notamment sur la personnalité de Cesare Borgia, Kyd a convenu qu’il devait amener dans Brotherhood une musique plus sombre, plus « malsaine ». Là où la bande originale d’ACII restait assez légère, inspirée notamment par l’opéra, celle de Brotherhood est beaucoup plus grave. Pour accentuer cette sensation, Kyd a amplifié le côté moderne des musiques d’une manière inhabituelle : après avoir enregistré les différents instruments acoustiques en studio, il les a volontairement retouchés par ordinateur pour leur donner un « grain » particulier.

L’une des particularités du jeu est de reposer beaucoup sur certains thèmes : celui de Borgia, celui d’Ezio devenu maître assassin, ceux des différents quartiers de Rome, mais aussi des thèmes pour les aspects plus modernes ou fantastiques de l’intrigue, à savoir le personnage de Desmond Miles et la pomme d’Éden. Ces deux thèmes contribuent pour beaucoup à l’optique plus mystérieuse, plus moderne de la bande originale. Seul thème commun aux trois premiers Assassin’s Creed, celui des assassins fait qui plus est son retour sous une nouvelle forme. En fin de compte, même s’il n’a eu qu’environ 6 mois pour écrire toutes les nouvelles compositions, Jesper Kyd a produit environ 2 heures de musique pour Brotherhood.

Le retour au Proche-Orient : Assassin’s Creed Revelations (2011)
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Pour la première fois dans la série, Assassin’s Creed Revelations n’est pas uniquement l’œuvre de Jesper Kyd. S’il a signé un certain nombre de pistes, il a été accompagné par Lorne Balfe, un collaborateur régulier du compositeur de cinéma Hans Zimmer. Balfe a écrit une certaine partie des pistes pour le mode histoire, mais il est surtout l’auteur de toutes les musiques du mode multijoueur, auxquelles il a apporté une approche un peu plus cinématique. Dans le mode histoire, Kyd est quant à lui revenu à un style plus léger et épuré que dans Brotherhood, offrant à la ville de Constantinople qui sert de cœur au jeu plusieurs thèmes semblables à ceux de Florence ou Venise dans Assassin’s Creed II.

Reste maintenant à savoir quel sera la nature du nouvel Assassin’s Creed promis par Ubisoft pour l’année 2012, et bien sûr à vérifier si Jesper Kyd reprendra son rôle de compositeur.

Distant Worlds à Londres

Pour la première fois depuis sa création, Distant Worlds débarquait ce samedi 5 novembre sur le Vieux Continent, à Londres précisément. Mais qu’est-ce donc ? Tout simplement le concert officiel de la série la plus populaire qui soit, Final Fantasy. Impossible de rater pareil événement, surtout à moins de deux heures de train. Mon dernier passage dans la capitale anglaise remontait à environ quinze ans. A peine collégien, j’avais découvert une ville banale et bizarre, avec ses bus à deux étages et son bacon frit ; je me contre-foutais totalement d’une quelconque notion de beauté architecturale. Les années ont passé, le bonhomme a mûri. Londres possède des quartiers somptueux, et probablement l’une des plus jolies salles de concert de la planète. Accessoirement, les filles court vêtues sont plutôt charmantes, mais ce n’est pas vraiment le sujet.

Malgré la controverse des derniers épisodes de la série, la notoriété de Final Fantasy demeure intacte. Même si la salle n’était pas tout à fait pleine, on dénombrait au bas mot 4900 personnes venues célébrer ensemble leur compositeur et jeux fétiches. Nobuo Uematsu, évidemment, est dans la salle ; il monte rapidement sur scène pour saluer un public aux anges. Le confort est optimum, le plaisir immense. Malgré un programme sans réelles surprises, notamment pour qui a déjà entendu les albums Distant Worlds (ici ou , par exemple), je me laisse rapidement gagner par les mêmes sentiments d’aisance et de nostalgie que d’habitude. Quand la harpe du « Prelude » résonne de ces notes mythiques, je me sens comme chez moi ; quand la mélodie de « Don’t be Afraid » progresse, lente mais puissante, mes yeux embués se souviennent avec candeur de ces heures passées sur l’épisode VIII. Mais la nostalgie n’est pas seule, le talent l’épaule. Au sommet de la carrière de Uematsu, se dresse ainsi un morceau gigantesque, fier thème du combat de fin contre l’un des plus mémorables vilains de la série, Cefka. « Dancing Mad », chef-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvre, est long d’une quinzaine de minutes, quatre phases, et sa puissance folle n’a d’égale que son ingéniosité. Avec la chorale et un orgue de dix mille tubes, la force se dégageant du final est vraiment époustouflante (le siège tremblait !). Et que dire de l’Opéra symphonique « Aria di Mezzo Carattere » ? Les trois choristes solistes ont la voix énergique et dramatique, mais toujours portante et assurée ; là encore, le final en apothéose est incroyable. Bien sûr, FF se dote également d’une chanson-thème à chaque épisode depuis le huitième. De sa voix romantique et chaleureuse, Susan Calloway nous interprète ainsi trois d’entre elles : « Eyes on Me » (FFVIII), « Memoro de la Ŝtono~Distant Worlds » (FFXI) et « Kiss me Goodbye » (FFXII).

Alors que tous les éléments étaient réunis pour que la soirée soit parfaite, quelques soucis sont venus un peu gâcher la fête. Certes, l’erreur est humaine, et quelques bévues dans un concert de plus de deux heures sont pardonnables, mais tout de même : les cuivres semblaient complètement à côté de la plaque pendant les trois quarts du concert, particulièrement dans « You Are Not Alone ». L’organiste, lui, a complètement bouffé sa partition dans « Dancing Mad ». Mauvaise préparation ? Pression ? Manque de talent ? Je ne sais pas, mais vu le standing supposé du concert et de l’orchestre, ainsi que le prix des billets, c’est un peu décevant. Quant aux arrangements, certains étaient un peu fades, notamment « Blinded by Light », le thème de combat de XIII composé par Hamauzu. Dans la version originale, le violon solo explose avec un énergie débordante ; ici, il était remplacé par l’ensemble des cordes dans une version beaucoup moins dynamique. On passe donc complètement à côté du point fort du morceau… Enfin, peut-être un peu plus discutable mais d’autant plus subjectif, la présence débordante de VII a presque rendu certains opus un peu transparents, comme IX ou XII pour ne citer qu’eux, alors même qu’ils regorgent également de thèmes tout aussi fabuleux. Mettons néanmoins de côté ces petites déceptions. Il serait malvenu de les laisser prendre le dessus sur ce qu’est réellement Distant Worlds : un bon moment, une fête, un hommage. Les acclamations lors du thème de Tina, qui fait office de « générique de fin » alors que défile sur les écrans géants l’introduction de VI, peuvent en témoigner ! Et puis, avez-vous déjà vu Uematsu monter sur scène et accompagner la chorale de « One-Winged Angel » ? Un moment assurément épique. Nos voisins Anglais peuvent être fiers d’avoir accueilli pareil événement, et pourront même bientôt se vanter de l’accueillir une seconde fois, puisqu’Arnie Roth a annoncé que le concert serait de retour là-bas le 17 novembre 2012. En attendant que vienne le tour de Paris.

– Clément

Merci à Florian A. pour la photo du Royal Albert Hall.