Le samedi 8 octobre 2016 avait lieu à la Philharmonie de Cologne un concert entièrement dédié à Final Fantasy X. Avec Masashi Hamauzu et Tsutomu Narita à l’arrangement, Wayne Marshall à la direction du WDR Funkhausorchester Köln et Benyamin Nuss au piano, il y avait de quoi être curieux.
Peu avant 20h, le public qui prend place dans la Philharmonie de Cologne est jeune et enthousiaste. Jeune parce qu’il s’agit d’un concert consacré à un Final Fantasy sorti il y a quinze ans, enthousiaste car la salle a accueilli ces cinq dernières années des évènements qui ont marqué nombre de passionnés de musique de jeu vidéo, à commencer par les inoubliables Symphonic Fantasies et Symphonic Odysseys. Comme souvent lors des concerts de ce genre, les musiciens ne sont pas encore entrés sur scène que l’assemblée les galvanise par des applaudissements dignes d’une fin de spectacle. Les mines sont ravies, le chef et le soliste, lui-même amoureux de Final Fantasy X, peuvent prendre place sur le plateau.
Quelques instants plus tard, les premières notes de « Zanarkand » résonnent et l’émotion gagne aussitôt la salle. Rien de neuf dans cette orchestration mais la magie Uematsu opère : la mélodie est magnifique comme jamais et on a l’impression de l’entendre pour la première fois.
Le thème de Tidus qui suit n’est pas surprenant pour ceux qui connaissent l’album Piano Collections de Final Fantasy X puisqu’il est calqué sur cet arrangement de Masashi Hamauzu et simplement augmenté par l’orchestre. C’est dépouillé mais ça fonctionne et les souvenirs du jeu continuent de flotter dans l’esprit du public. Après la reprise du thème, l’orchestre — ou plutôt Tsutomu Narita, qui s’est occupé des orchestrations — enchaîne sur un thème de Yuna (I – 7:53) très proche de l’original. Encore une fois, ça a beau être sage, ça n’en fonctionne pas moins à merveille.
C’est qu’en réalité, ce concert Dreams of Zanarkand est en grande partie calqué soit sur les arrangements pour piano réalisés par Masashi Hamauzu en 2002, soit sur les morceaux tels qu’entendus dans le jeu original, à l’image de l’explosif « Peril » (II), auquel succède dans un contraste efficace « The Splendid Performance » (II – 2:01), ambiance ensoleillée et parfumée par les harmonies favorites de Masashi Hamauzu.
Quoiqu’on connaisse par cœur les morceaux joués, on est souvent emporté par l’ambiance dégagée par la musique, comme lors de « Guadosalam » (II – 6:02) – exemple pertinent de morceau passant inaperçu dans un jeu mais redécouvert via sa bande originale – ou quelques minutes plus tard, quand Benyamin Nuss égraine les arpèges ambigus de l’incommodant thème de Seymour (II – 8:50). Avec « Yuna’s Decision » (II – 12:38), qui clôt la première partie du concert, on oublie tout et on se laisse gagner par la douceur d’un moment romantique aux reflets fugitifs de concerto pour piano.
Après l’entracte, le concert reprend avec la musique du mariage inattendu de deux personnages emblématiques mais qu’on ne citera pas, par égard pour qui n’a jamais joué à Final Fantasy X. Comme dans le jeu, le thème est suivi par « Assault » (III – 0:56), l’un des morceaux de combat favoris des pianistes amateurs de Final Fantasy. L’ajout de l’orchestre à ce morceau frénétique fonctionne à merveille et rappelle la version remasterisée de la bande originale sortie en 2013 : à ce tempo, c’est explosif, communicatif, et on en redemande. Il faudra cependant attendre la fin du concert pour que l’orchestre se lance dans un autre monument du piano avec orchestre à la Hamauzu : « Final Battle » (IV – 7:03). Mais avant d’arriver à ce paroxysme, le spectateur est invité à retrouver la tendre mélancolie de Yuna dans une interprétation du « Suteki da ne » pour piano arrangé par Masashi Hamauzu (III – 3:25). « Servants of the Mountain » (III – 8:01) reprend lui aussi un arrangement de l’album Piano Collections mais gagne quelques traits et couleurs qui laissent transparaître le style orchestral de Tsutomu Narita.
Pour conclure le concert, c’est sans surprise « l’Ending Theme » (IV – 11:57) qui a été choisi. Sublime dans sa forme originelle arrangée par Shirô Hamaguchi, il est joué presque tel quel, à ceci près que le piano de Benyamin Nuss remplace ici certaines parties instrumentales de harpe ou de vents, quand il ne laisse pas entendre quelques cadences intégrées à l’ensemble. En rappel, c’est « Peril » qui sera rejoué, suivi d’un des morceaux fétiches du pianiste allemand : le thème de combat de Final Fantasy VII dans sa version Piano Collections.
Sage et sans rien inventer, ce concert annoncé très discrètement s’est révélé un excellent moment pour les fans de Final Fantasy X, en particulier pour ceux qui adulent l’album Piano Collections de Masashi Hamauzu. On aurait naturellement apprécié davantage de folie mais le parti pris était de rester fidèle à deux monuments que Benyamin Nuss tient en haute estime : le jeu Final Fantasy X et le compositeur Masashi Hamauzu.
La déontologie impose à l’auteur de ces lignes de préciser qu’il a été invité au concert « Dreams of Zanarkand » par Benyamin Nuss, ami et collaborateur occasionnel. L’article n’a cependant été ni influencé par l’intéressé, ni même soumis pour relecture avant publication. L’avant-veille du concert, plusieurs membres de l’équipe de Musica Ludi étaient par ailleurs à Londres pour entendre le concert Symphonic Fantasies.